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Continuer la lectureL’État et Mediapart refusent un accord amiable devant la Cour européenne des droits de l’homme
Le site d’information estime que la France, en lui imposant un redressement fiscal de 4,7 millions d’euros, aurait violé quatre articles de la convention des droits de l’homme.

Mediapart n’en démord pas. Depuis près de dix ans, le site d’information en ligne bataille contre Bercy. Il cherche à faire annuler le redressement fiscal qu’il a subi en 2015 pour avoir appliqué un taux de TVA dit super réduit (2,1 % au lieu de 19,6 %) sur ses abonnements en ligne entre 2008 et 2014. Un dispositif pourtant réservé à la seule presse écrite. Après avoir épuisé tous ses recours possibles en France pour faire annuler l’ardoise de 4,7 millions d’euros (dont 1,36 million d’intérêts et de pénalités pour « manquement délibéré »), le média s’est tourné devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci a proposé l’an dernier un accord amiable entre Mediapart et l’État tricolore mais les deux parties ont décidé de le refuser, a appris l’Informé : le duel se poursuit donc.

La France avait jusqu’à fin mi-février pour déposer son mémoire. Depuis, la phase contentieuse s’est ouverte et pourrait durer de longs mois. Pour sa défense, le journal avance pas moins de quatre articles de la Convention des droits de l’homme qui auraient été violés par la France. D’abord, le titre soulève un problème d’équité de la procédure pour ne pas avoir été entendu par les juridictions françaises alors qu’une harmonisation du taux de TVA entre presse écrite et presse en ligne était déjà inscrite à l’agenda politique. Ensuite, il souligne le refus du fisc d’appliquer rétroactivement ce taux super réduit finalement élargi au web en 2014. « Ces deux premiers points semblent compliqués à défendre », indique un homme de loi. Le site avance aussi la pression mise par ce redressement sur une entreprise de presse indépendante et une atteinte à sa liberté d’expression. Mais c’est surtout son dernier argument qui semble le plus solide. Le journal dénonce l’inégalité de traitement fiscal dont il a été victime, comme l’ensemble des médias payants sur internet, et l’atteinte au pluralisme que cela a engendré.
En attendant le verdict, Mediapart a déjà payé le fisc et pourrait, dans le meilleur des cas, faire condamner l’État français à lui rembourser cette somme (avec les intérêts). D’autres publications ayant subi le même sort comme Arrêt sur Images ou Indigo Publications (La Lettre, Intelligence Online, Glitz…) pourraient alors, eux aussi, réclamer leur argent. Mais encore faudrait-il qu’il n’y ait pas prescription des faits puisqu’ils ont visiblement abandonné leurs recours depuis longtemps.
De son côté, Mediapart avait fait appel à ses lecteurs pour faire face à ce mauvais coup en 2015. Depuis, le site a continué de croître. Il vient même d’annoncer des résultats records en 2024 avec plus 233 277 abonnés (contre près de 220 000 en 2023), un chiffre d’affaires en hausse de 11,4 % à 24,9 millions d’euros et un résultat net de 3,3 millions d’euros.
Contactée, la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas souhaité s’exprimer en raison de la confidentialité du sujet, tout comme Bercy. De son côté, Carine Fouteau, la nouvelle présidente de Mediapart, précise que « le refus de l’accord amiable, qui était une proposition de principe sans contenu, fait partie de la procédure, que nous préférons ne pas commenter avant son terme. »