L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureCanal Plus va pouvoir agir beaucoup plus rapidement contre les sites pirates
Devant la justice, la chaîne payante est parvenue à faire sauter un important boulet dans sa bataille contre les sites de streaming illicites.

Soulagement dans l’industrie du cinéma et ses diffuseurs. Saisi par la chaîne payante, le Conseil d’État vient d’alléger considérablement les délais de la lutte contre la diffusion sans autorisation de contenus issus de son catalogue (films, séries, matchs…). Le dossier concerne la problématique des sites dits « miroirs ». Depuis près de 10 ans, la justice ordonne régulièrement aux fournisseurs d’accès (FAI) ou aux autres intermédiaires techniques le blocage des noms de domaine déposés par les éditeurs de ces sites pirates (voir encadré). Seulement, ces derniers peuvent éviter ce barrage très facilement et même en quelques instants seulement. Il leur suffit de revenir sous de nouvelles adresses, non identifiées dans le jugement. Pour contrer ce contournement, les ayants droit ont une alternative : ou bien revenir devant le juge pour actualiser la décision, ou bien s’engager sur une voie administrative en signalant ces revenants à l’Autorité de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Après vérification par ses agents, l’Arcom peut réclamer des FAI l’extension du blocage aux nouveaux services en ligne « reprenant en totalité ou de manière substantielle » le contenu des sites déjà bloqués par la justice. Une procédure spéciale d’injonctions dynamiques, introduite par la loi du 25 octobre 2021 relative aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Sur le papier, cela devait être aussi rapide qu’efficace, mais en pratique, la lecture rigoureuse des textes par l’Arcom a douché ces espoirs. Le Conseil d’État vient tout juste d’ordonner à l’autorité de lâcher du lest, a appris l’Informé.
Jusqu’à présent, avant de se retourner vers les FAI, le gendarme des sites pirates imposait à Canal+ d’accompagner le signalement des nouvelles adresses avec la preuve que les intermédiaires techniques n’avaient pas fait appel. Ce « certificat de non-appel » a été réclamé suite à une lecture littérale de l’article L331-27 du Code de la propriété intellectuelle, au terme duquel les sites de contournement peuvent être traités par l’Arcom seulement après que le jugement initial est passé « en force de chose jugée » et donc insusceptible de recours.
Problème, il faut attendre deux mois pour obtenir une telle pièce des instances judiciaires, auxquels s’ajoutent deux autres mois de « délai d’éloignement » pour les intermédiaires techniques installés hors des frontières de la métropole (soit le cas de nombreux fournisseurs de réseaux privés virtuels ou des systèmes de nom de domaine alternatifs). Mis bout à bout et en comptant le traitement administratif de ces échanges (notification, constats d’huissiers, décision du collège de l’Arcom, etc.), Canal+ devait attendre jusqu’à 5 mois pour obtenir gain de cause. Dans son arrêt rendu ce jour (en réalité quatre décisions identiques), le Conseil d’État revient aux sources des vœux du législateur. Il considère même que l’Arcom avait pris une décision illégale en réclamant ce fameux certificat. Pour arriver à ce constat, la juridiction souligne que les procédures de blocage ici en cause (dite « accélérées au fond ») bénéficient par principe de l’exécution provisoire. En clair, le jugement doit être mis en œuvre sans attendre la fin du délai d’appel. « Par suite, en déduit le Conseil d’État, l’Arcom ne pouvait légalement retenir que les décisions de justice en cause n’étaient pas passées en force de chose jugée pour refuser de faire droit aux demandes présentées par les sociétés requérantes ». Avec cette décision, le monde du cinéma va donc à l’avenir pouvoir agir beaucoup plus nerveusement contre les sites miroirs.

Sur le front de la lutte antipiratage
Selon ses dernières données à jour fin mai, l’Association de lutte contre la piraterie de l’audiovisuel (ALPA), bras armé du cinéma, a fait bloquer par la justice 1 507 services en ligne pirates, déclinés en 4 261 noms de domaine. Dans le lot, on dénombre 1 363 sites de téléchargement et de streaming (des sites « annuaires » accessibles via 3 445 domaines), 76 services IPTV (586 domaines), 17 cyberlockers (125 domaines) et 51 applications (105 domaines). Les mesures de blocage contre les « sites miroirs » ont conduit le secteur à dénoncer devant la justice 935 nouveaux noms et à l’Arcom, 2 129 autres adresses correspondant à des services IPTV et des sites annuaires.