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Continuer la lectureLes coulisses peu glamour de Miraval, le somptueux château de Brad Pitt dans le Var
Des salariés passés par la luxueuse demeure de l’acteur dénoncent le management brutal de son directeur général. Qui invoque l’exigence du haut de gamme.

« Travailler pour Brad Pitt ? C’était l’occasion d’une vie ! » Depuis son plus jeune âge, Jérôme* a toujours souhaité être majordome et exercer au service de célébrités. Aussi, lorsqu’il est recruté au domaine de Miraval, c’est l’aboutissement de tous ses efforts. « Quand j’ai commencé, je vivais un rêve éveillé », se souvient-il. Il faut dire que la luxueuse propriété a de quoi émerveiller : un immense château de style provençal, une petite chapelle, des vignes à perte de vue, des oliviers et même un lac. Brad Pitt et Angelina Jolie sont tombés sous le charme de l’endroit, qu’ils ont acquis en 2008 dans le Var et où ils ont célébré leur mariage en 2014. Le temps du bonheur sera de courte durée : les acteurs divorceront deux ans plus tard et Miraval deviendra alors le cœur d’un conflit, à l’issue duquel l’actrice vendra ses parts à l’oligarque russe Yuri Shefler. Depuis, l’acteur continue de s’y rendre notamment lorsqu’il a des tournages en Europe et le domaine accueille aussi de nombreuses célébrités et artistes. Miraval abrite en effet un studio d’enregistrement dernier cri qui a vu défiler Travis Scott, Justin Bieber, SCH, Louane ou encore Christine and the Queens.
Mais malgré ce cadre idyllique, Jérôme déchante vite lorsqu’il découvre l’envers du décor : « J’arrivais avec la boule au ventre mais je m’accrochais car c’était le job de mes rêves. Au bout de quelques mois, ma mère m’a supplié de quitter Miraval car j’étais en dépression et j’avais pris 15 kg. Je suis parti à contrecœur, détruit ». Comme lui, plusieurs anciens salariés, qui se sont confiés à l’Informé, ont souffert de leur passage au domaine. En cause ? Le management du directeur général Roland Venturini, qui gère l’ensemble de la propriété à l’exception du studio d’enregistrement et du vignoble. Ils dénoncent notamment sa brutalité verbale envers les équipes et une pression « démesurée » sur le personnel. En particulier le « house staff » chargé de l’entretien de l’immense demeure de 35 pièces et de l’accueil des invités.
Un « climat de peur »
Jérôme n’est donc pas un cas isolé. Son successeur n’a pas tenu longtemps le choc. Épuisé, il a, lui aussi, rapidement rendu son tablier. « J’étais angoissé, stressé, avec la boule au ventre du matin au soir, raconte-t-il. J’ai pourtant travaillé dans le tourisme, dans de grands hôtels, avec des directeurs exigeants, mais je n’avais jamais connu un tel manque de respect ». Une ex-employée décrit aussi un patron qui criait parfois sur le personnel : « Il a des accès de colère, il est grossier et il s’emporte pour des détails, comme un torchon qui traîne à côté du four ». « Un jour, il m’a hurlé dessus car j’avais oublié d’enlever un paquet de chips du buffet », ajoute un autre. Une ancienne salariée de maison se rappelle quant à elle d’une « pique » du patron pour des œufs brouillés pas cuits dans les règles de l’art. Cette dernière décrit un « climat de peur » lors de son passage au domaine : « Certaines filles sursautaient quand elles entendaient quelqu’un arriver, craignant que ce soit lui ».
Selon différents interlocuteurs, il fallait supporter les sautes d’humeur du directeur, prompt à « souffler le chaud et le froid ». « Il y a des jours où c’est exceptionnel et où on reçoit des compliments. Et d’autres où c’est la catastrophe et il nous rabaisse », raconte Amandine*, une ex-petite main. Un majordome passé par la maison confirme : « Le matin, tout le monde se demande de quelle humeur il est pour savoir à quoi s’attendre ». Le même assure avoir régulièrement vu des femmes de chambre en pleurs. Les salariés redoutent particulièrement de se faire convoquer dans le bureau de Roland Venturini, en présence de la gouvernante : « C’est un moment qui consiste la plupart du temps à lister tous nos défauts et à nous faire des reproches, parfois infondés, sur lesquels on ne peut pas s’expliquer ». Des entretiens qui, pour certains, ont lieu à répétition. « Des salariés sont convoqués quasiment tous les jours », témoigne une ex-employée. C’est d’ailleurs un souvenir douloureux pour l’un d’eux : « Je me suis mis à douter de mon travail, de mon efficacité et même de ma personne ».
Interrogé par l’Informé, Roland Venturini attribue cette exigence au standing auquel doit s’astreindre le domaine de Miraval. « Si on veut assurer un service 5 étoiles et avoir un établissement à la hauteur des investissements énormes réalisés depuis douze ans, on ne peut pas avoir des employés qui ne suivent pas le niveau de service », estime celui qui a fait carrière dans l’hôtellerie de luxe avant de diriger le domaine varois. « Il faut donc que les salariés partagent cette vision et soient prêts à s’investir, sinon, je leur explique que ce n’est juste pas le bon établissement pour eux. Je respecte les employés et le fait qu’on veuille être serveur dans un petit restaurant ou un café. Mais il ne faut pas nous rejeter la faute de la pression qu’implique de travailler à Miraval », ajoute le directeur général, qui « conteste catégoriquement » tout problème de comportement ou propos irrespectueux.
Sauf qu’aux yeux des ex-salariés interrogés par l’Informé, les tensions subies à Miraval vont au-delà de la rigueur habituelle dans le domaine du luxe. D’autant que, selon eux, l’exigence de Roland Venturini s’applique aussi à des tâches qu’ils considèrent comme annexes à leurs missions : « Il y a une personne qui fait le ménage dans son appartement tous les week-ends et qui se fait reprendre si quelque chose ne va pas ». « Il faut aussi garer sa voiture, nettoyer ses chaussures lorsqu’il part chercher des truffes… », souffle un ex-salarié. Différents interlocuteurs rapportent aussi avoir eu le sentiment d’être « à disposition ». La raison ? Des changements de plannings - parfois la veille voire le matin - et des amplitudes horaires très importantes, notamment quand le studio d’enregistrement est occupé. « Il y a des artistes qui aiment enregistrer la nuit et il faut donc les servir à ce moment-là. Ça fait partie du métier mais j’ai dû batailler pour me faire payer ces heures supplémentaires », poursuit ce témoin.
« Il faut faire croire que c’est le paradis sur terre »
Roland Venturini indique à l’Informé que la « structure s’est professionnalisée au fil du temps, y compris dans la gestion des ressources humaines avec le souci de corriger au fur et à mesure les difficultés rencontrées notamment logistiques ». Si les ex-salariés évoquent un roulement très élevé des effectifs, le directeur général nuance : « Il y a un turnover élevé dans l’hôtellerie et la restauration en général. Et ici encore plus car on est dans une région où les employés ne sont pas formés. Donc, ils arrivent motivés mais dès qu’ils sont confrontés à la réalité de leur fiche de poste et de leurs responsabilités, ils commencent à réfléchir et ça crée des tensions ». Pourtant, les témoins interrogés attribuent tous leur départ au management et insistent sur le fait qu’ils ont quitté le domaine à regret. « Il y a un côté très grisant de travailler à Miraval, le domaine est magnifique, on fait des rencontres incroyables, en plus d’être bien payé… C’est très compliqué de lâcher son poste dans un endroit si prestigieux même si on est malmenés, donc nombreux sont ceux qui serrent les dents ». Mais pour cette petite main, le choix s’est finalement imposé : « Quand j’arrivais devant le portail le matin, j’avais envie de passer ma route ».
Ces récits tranchent fortement avec le portrait très lisse de l’établissement brossé auprès de l’Informé par des employés actuellement en poste. La gouvernante attribue ces critiques à la « jalousie » et à l’« incompétence » de salariés qui ont quitté le domaine. Iulia, une employée de maison, affirme pour sa part que « Miraval a changé [sa] vie » : « J’ai été recrutée sans permis de conduire et quand j’ai obtenu mon CDI, j’ai pu obtenir un crédit pour avoir une voiture ». « Bien sûr il y a beaucoup de travail et d’exigence, mais l’organisation est parfaitement établie et on ne m’a jamais manqué de respect », assure cette sexagénaire. Elle estime que s’« il y a des mécontents, c’est à cause d’un manque de motivation ou d’un manque de niveau ». Une de ses collègues renchérit : « Roland est très gentil avec nous. On s’entend tous comme une famille. Ceux qui sont partis sont des jeunes qui ne voulaient pas travailler ».
Comment expliquer des points de vue aussi divergents ? « C’est l’omerta ! Les équipes ont peur de parler et de perdre leur boulot, estime un ex-salarié. Je n’ai moi-même rien dit quand j’étais en poste et je le regrette ». Parti très récemment de Miraval, il avait notamment pensé écrire une lettre à Brad Pitt pour lui signaler son mal-être, avant de se rétracter. La plupart des personnes ayant travaillé dans le domaine estiment que l’acteur n’est pas au courant des conditions de travail. « Brad Pitt est toujours très bienveillant avec les équipes quand il vient. Et lorsqu’il est là, le directeur général est doux comme un agneau, il affiche un autre visage », assure une ex-membre de l’équipe. Des apparences qu’il faudrait « à tout prix » préserver : « Il faut faire croire que c’est le paradis sur terre ». Tous les anciens gardent en tête un détail évocateur : « Il y a des chiens dans le domaine, que l’on s’occupe de nourrir et de toiletter. Pour faire bonne figure, ils sont en liberté quand le propriétaire ou des invités sont là. Sinon, ils sont au chenil, notamment une chienne croisée qui est la plupart du temps enfermée ».
*Les prénoms ont été changés.