L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureBernard Arnault vole au secours de Stéphane Courbit à Courchevel
Depuis dix ans, le producteur télé tente en vain de mettre la main sur l’ex-hôtel Mercure (rebaptisé Lake Hotel), un des derniers quatre étoiles de la station, pour le transformer en palace. L’empereur du luxe vient lui prêter main-forte.

Entre Stéphane Courbit et Bernard Arnault, c’est décidément du sérieux. En 2008, lorsque le pape de la télé-réalité a quitté Endemol et créé sa société de production Banijay, il a déjà pu compter sur la famille Arnault qui avait investi 21 millions d’euros dans son nouveau business. Dix ans plus tard, quand il a eu besoin d’un investisseur pour soutenir ses activités hôtelières, c’est LVMH qui a mis au pot 50 millions d’euros. Il y a deux ans encore, alors qu’il cherchait un partenaire pour reprendre l’hôtel Palladio à Venise, le géant du luxe, une fois de plus, a répondu présent, avec un chèque de 50 millions d’euros, comme l’avait révélé l’Informé. Et ce n’est pas fini ! Selon nos informations, les deux compères viennent de conclure une nouvelle affaire, à Courchevel cette fois, où chacun détient déjà son propre palace : le Cheval-Blanc pour Arnault et les Airelles pour Courbit, tous deux situés dans le Jardin alpin, le quartier le plus huppé de la station. Leur nouvelle association porte sur un établissement établi à 200 mètres de leurs hôtels, dans le plus bel emplacement de la ville, juste au bord du lac : il s’agit de l’ex-Mercure, renommé Lake Hotel, un des derniers quatre étoiles du périmètre à ne pas avoir été transformé en auberge de luxe.
Voilà dix ans que le producteur de Koh lanta et Touche pas à mon poste tente de mettre la main sur cette adresse au fort potentiel. Pour en reprendre l’exploitation, il s’était initialement associé à parts égales avec François Dubrule, le neveu du cofondateur d’Accor, dans une filiale commune baptisée Lovestate. Mais selon nos informations, Dercetis, une filiale d’Agache, la holding familiale des Arnault, vient de racheter les actions de François Dubrule dans la structure. Simultanément, la direction générale de Lovestate a été confiée à Olivier Lefebvre, directeur général adjoint de la branche Hospitality Excellence de LVMH.
Stéphane Courbit espère peut-être que ce puissant partenaire lui permettra de sortir de l’ornière, car sa conquête de l’établissement s’est embourbée. En 2015, le duo Courbit-Dubrule avait bien repris l’exploitation de l’hôtel. Mais ils se sont rapidement fâchés avec les détenteurs des murs, réunis dans une société civile immobilière (SCI). Les copropriétaires ont alors donné congé au tandem, et trouvé un nouvel exploitant, Honotel. En parallèle, ils ont cherché à vendre les lieux. Selon Isabelle Monsenego, présidente de la SCI, LVMH a d’ailleurs été approché, mais n’a pas déposé d’offre. Pas plus que Courbit, qui « voulait racheter l’immeuble pour une quinzaine de millions d’euros seulement », affirme-t-elle. Finalement, une promesse de vente a été signée avec Kerzner, groupe du magnat sud africain Sol Kerzner, pour 165 millions d’euros.

Après ce double revers, Lovestate se retrouve aujourd’hui avec peu de choses : les murs du bar restaurant de l’hôtel (rachetés en 2016 pour 4,6 millions d’euros), une chambre, un appartement de fonction, et une des chambres de service. Peu de choses, mais assez pour exercer un incontestable pouvoir de nuisance, comme nous l’avons raconté il y a quelques mois. Stéphane Courbit a notamment fermé le bar restaurant, ce qui a contraint le nouvel exploitant à installer une yourte à l’extérieur pour y servir les petits déjeuners… Le producteur empêche également l’accès à ce local, générant un problème de sécurité en cas d’alarme incendie. À la demande de la mairie, l’hôtel a jusqu’à septembre 2025 pour se mettre en conformité.
Surtout, le propriétaire de Banijay et Betclic refuse mordicus de vendre le bar restaurant, malgré une offre de 30 millions d’euros que lui aurait proposée Kerzner, selon Isabelle Monsenego. Peut-être pour mieux faire capoter la promesse de vente signée avec le groupe sud africain (qui expire en octobre 2026), car celle-ci contient plusieurs conditions suspensives, notamment le rachat du bar, de l’appartement de fonctions et de toutes les chambres de service. Mais Isabelle Monsenego prévient : « Si Courbit parvient à bloquer la vente à Kerzner, alors les copropriétaires ne remettront pas en vente les murs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, mais continueront à exploiter ou faire exploiter l’hôtel ".
Reste donc à comprendre ce que la famille Arnault est venue faire dans cette galère. Peut-être Stéphane Courbit avait-il besoin d’un associé plus fortuné pour ce projet qui s’avère plus coûteux que prévu ? Ou espère-t-il impressionner les copropriétaires par son association avec la plus grande fortune de France ? Isabelle Monsenego ne semble pourtant pas avoir peur de l’empereur du luxe. Elle vient ainsi de contester en justice le projet d’extension de l’hôtel du Cheval-Blanc (cf. encadré ci-dessous).
Contactés, Stéphane Courbit et LVMH n’ont pas répondu.
Bernard Arnault veut agrandir son Cheval-Blanc
Vingt ans après avoir ouvert son palace près des pistes de Courchevel, Bernard Arnault souhaite s’agrandir. De l’autre côté de la route, il achève la construction de deux chalets de trois étages, comptant au total neuf chambres ou suites capables d’accueillir 32 clients supplémentaires. Sur 3 012 mètres carrés, cette extension cinq étoiles inclura piscine, sauna, hammam, jacuzzi, yoga, billard, piano, salle de fitness, salle de cinéma… Le projet a été confié à l’atelier d’architectes Cos de Didier Beautemps, qui avait déjà refait le Cheval-Blanc. Un tunnel doit aussi être percé sous la rue du Jardin alpin pour relier les bâtiments.
Pour cela, la société exploitant l’hôtel, Métropole 1850, a acquis deux terrains d’une surface totale de 2 436 mètres carrés. Le premier, qui abritait un petit immeuble baptisé la Flèche, détruit depuis, a été racheté à l’oligarque russe Nikolai Sarkisov… dans des conditions qui ont intrigué Tracfin. Dans une note au parquet, le service de renseignement financier relève des opérations « susceptibles de caractériser des faits de blanchiment », comme l’a révélé le Monde. Ce signalement a été joint à une enquête préliminaire pour blanchiment présumé sur Nikolai Sarkisov.
Le second terrain (1 191 mètres carrés) a été repris à la commune pour 10 millions d’euros, soit 8 810 euros le mètre carré. Une transaction qui, elle non plus, n’est pas passée inaperçue. Isabelle Monsenego, conseillère municipale d’opposition, a contesté en justice à la fois le déclassement du terrain par la mairie, et la cession elle-même. Elle affirmait que le prix était inférieur au marché, citant à l’appui deux opérations récentes dans le quartier à 16 000 et 18 000 euros le mètre carré. Il y a deux ans, elle a été déboutée par le tribunal administratif de Grenoble, qui a jugé que le terrain avait une constructibilité limitée et que la direction départementale des finances publiques de la Savoie avait approuvé le montant. Pas de quoi faire renoncer la conseillère : elle a saisi la cour administrative d’appel de Lyon, qui vient de la débouter à son tour, mais compte maintenant se pourvoir en Conseil d’État.
Parallèlement, l’association Courchevel Patrimoine et Environnement (dont fait partie Isabelle Monsenego) et la société civile immobilière détenant les murs du Lake Hotel (présidée par Isabelle Monsenego) ont contesté le permis de construire. Eux aussi ont toutefois été déboutés en première instance, comme en appel, et ne se sont pas pourvus en cassation.
Auprès du Monde, le porte-parole de Bernard Arnault a déclaré que le rachat à Nikolai Sarkisov a été « réalisé dans le plus strict respect des lois. Comme pour toute opération immobilière, les parties étaient assistées de notaires, chargés de veiller au respect de toutes les réglementations existantes. »