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Continuer la lectureThales : la tension monte entre direction et syndicats sur les suppressions de postes
Malgré les résultats stratosphériques de 2024, le groupe poursuit le serrage de ceinture entamé il y a un an au sein de Thales Alenia Space.

Amertume outre-Quiévrain, inquiétudes au Royaume-Uni et malaise profond à Cannes et Toulouse. Le tour de vis imposé par le groupe d’électronique de défense à sa branche spatiale Thales Alenia Space (TAS) se poursuit. Au printemps 2024, la société dirigée par Patrice Caine avait annoncé la suppression et le redéploiement de 1 300 postes sur les 8 600 de sa filiale de fabrication de satellites. Le 27 janvier, les syndicats ont signé un accord avec la direction sur les modalités de ce plan. Mais les résultats records annoncés par le groupe pour 2024 (1,42 milliard d’euros de résultat net consolidé, en hausse de 39 %, et 51 milliards d’euros de commandes dans le carnet) ont aggravé les tensions et incitent les partenaires sociaux à maintenir la pression pour tenter de limiter la casse.
Car sur le terrain, les répercussions sur les salariés de ce plan, baptisé « Themis », ont très sérieusement empiré. En France, où les coupes passent par une gestion active de l’emploi (GAE) sur les sites de Toulouse et Cannes, la médecine du travail a vu affluer des dizaines de salariés depuis le début de l’année. « Par rapport à janvier 2024, leur nombre a été multiplié par sept », alerte Yves Cognieux, délégué syndical central CFDT. Au point qu’une alerte sur les risques psychosociaux (RPS) a été lancée sur la dégradation de la santé mentale des collaborateurs. Le volet tricolore du plan Themis a été d’ores et déjà été réalisé à 62 % (soit environ 600 postes), selon des sources syndicales. Sur ce chiffre, 500 ont pris la forme de départs en retraite anticipés, de départs non remplacés ou de mobilités en France, sur la base du volontariat. La dernière centaine regroupe des démissions mais aussi des mobilités à l’international. L’humeur n’est guère meilleure en Belgique et au Royaume-Uni où 300 suppressions de postes sont prévues. À Charleroi, 88 salariés se sont ainsi vus annoncer la semaine dernière leur licenciement sur les 600 personnes du site. Outre-Manche, 120 postes vont être touchés.
De fortes dissensions subsistent entre direction et organisations syndicales, notamment sur les perspectives économiques de la branche spatiale. Le management justifie le repli de Thales Alenia Space (2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023) par les difficultés sur le marché des télécommunications où les commandes de satellites géostationnaires ont été divisées par deux, quand les élus du personnel estiment que les derniers contrats engrangés par Thales et les perspectives de programmes européens comme le projet de constellation européenne Iris2 (Infrastructure de résilience internet satellitaire sécurisé) pourraient réalimenter substantiellement la machine. Pour preuve, « la sous-activité enregistrée sur les deux premiers mois de cette année chez TAS représente seulement un équivalent de 23 salariés à plein temps en moyenne », précise une source syndicale interne. « En plus d’effrayer les salariés, le plan désorganise l’activité actuelle, complète un autre. Du personnel de Cannes a dû être envoyé à Toulouse pour absorber des hausses de charges ».
Pour autant, l’entreprise maintient sa stratégie : « les nouveaux contrats ne permettent pas de compenser suffisamment les difficultés rencontrées sur le marché des télécommunications », a précisé la société à l’Informé. L’activité spatiale affiche cependant des prises de commandes en croissance soutenue, avec cinq contrats de plus de 100 millions d’euros enregistrés au quatrième trimestre, dont quatre dans les activités d’observation, exploration & science et navigation.
Lors de la négociation de l’accord de GEA de janvier, les partenaires sociaux ont obtenu quelques inflexions sur le fond. Une « clause de revoyure » a ainsi été intégrée : une commission de suivi trimestriel va être chargée de vérifier si la situation commerciale, les gains de nouveaux projets ou l’exécution des programmes en cours ne peuvent pas atténuer les réductions d’effectifs. La première est prévue le 24 mars. Et s'annonce donc tendue.