L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureEngie : Clamadieu passe en force pour garder l’avantage au conseil d’administration
En contradiction avec les principes habituels de bonne gouvernance, le président du groupe énergétique, en poste depuis 2018, est en passe de faire élire au board un administrateur qui lui est favorable.

Le coup est habile et il devrait bénéficier au président d’Engie comme celui-ci l’espérait : lors de la prochaine assemblée générale du groupe, le 24 avril, le nom de l’administrateur représentant les actionnaires salariés français au conseil d’administration du groupe sera celui d’un candidat favorable au président Jean-Pierre Clamadieu. Selon nos informations, la résolution actant sa désignation - qui sera très vraisemblablement adoptée pendant l’AG - fera entrer au board Chantal Bouessay, représentante de la liste AG2S proche de la direction. Avec son arrivée, Jean-Pierre Clamadieu s’assure donc une majorité de 8 voix sur les 14 du conseil d’administration. Un atout pour le patron du groupe dont le mandat prend fin en 2026.
Du côté des organisations syndicales, la pilule est sacrément amère. Elles avaient tenté de déminer l’affaire en amont, en envoyant le 7 février au ministre de l’économie Éric Lombard une lettre appelant au « respect des principes de gouvernance ». L’État est en effet actionnaire d’Engie à hauteur de 23,64 %. Mais cette précaution et les prises de position publiques des syndicats n’ont pas empêché le top management du groupe énergétique de manœuvrer pour faire élire un candidat conciliant. La direction avait déjà procédé de façon analogue lors du précédent scrutin du conseil de surveillance du FCPE, en 2021, au grand dam des partenaires sociaux.

Explications. Le vote de l’administrateur salarié se déroule en trois phases : les salariés actionnaires d’Engie désignent deux conseils de surveillance, l’un pour le fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) réservé aux collaborateurs français (Link France) et l’autre celui des salariés de l’étranger (Link International). L’un de ces membres est ensuite choisi pour représenter les actionnaires salariés au conseil d’administration d’Engie. Des élections au sein de ces deux FCPE ont eu lieu en janvier 2025 et ont placé en tête la liste CFE-CGC avec 31 % des suffrages, devant la liste AG2S représentant la direction, arrivée avec 27 % (en baisse d’environ 10 % par rapport à 2021), suivi de la CFDT, de la CGT et de FO. Soit, sur les 10 membres du conseil de surveillance qui étaient à élire, 3 représentants de la CFE-CGC, 3 de l’AG2S, 2 de la CFDT et un chacun de la CGT et de FO. Le reste du conseil de surveillance compte 10 autres membres représentant la direction, dont le siège n’était pas à renouveler.
C’est là qu’existe une faille dans le dispositif dont a su se saisir le top management d’Engie. Alors qu’il est d’usage que les dix membres de la direction ne participent pas à la désignation de celui qui représentera in fine les actionnaires salariés au board, la gouvernance d’Engie a décidé qu’ils voteraient. Fort de 13 voix sur les 20, c’est donc la candidate de l’AG2S, Chantal Bouessay qui a emporté la mise… « Dans la quasi-totalité des entreprises, les directions s’abstiennent de voter, s’indigne Didier Creuzevault, membre du conseil de surveillance sortant du FCPE Link France. C’est comme si un syndic d’immeuble votait comme un copropriétaire ». Les organisations syndicales estiment par ailleurs « illicite » cette participation de la direction au scrutin. Selon l’article L 214-165 du Code monétaire et financier, « les représentants de la Direction ne prennent pas part aux votes portant sur l’exercice des droits de vote attachés aux titres émis par l’entreprise. Or, la désignation de l’administrateur représentant des salariés actionnaires est directement liée à l’exercice de ces droits », pointent les syndicats unanimes.