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Continuer la lectureUn avocat en droit du travail sanctionné dans une affaire d’arrêts maladie douteux
Le conseil de l’Ordre du barreau de Paris a prononcé six mois de suspension avec sursis contre Me Thibaut de Saint Sernin. Il lui est reproché d’avoir été de mèche avec un psychiatre pour bloquer des procédures de licenciement, ce qu’il conteste.

C’est une décision qui va faire jaser dans les couloirs des prud’hommes. Un avocat en droit du travail, soupçonné d’inciter ses clients à consulter systématiquement le même médecin pour obtenir des arrêts maladie douteux, vient d’écoper d’une sanction disciplinaire. Selon nos informations, le conseil de l’Ordre du barreau de Paris a prononcé ce jour six mois de suspension avec sursis contre Me Thibaut de Saint Sernin, spécialisé dans la défense des cadres supérieurs. Ce sont des confrères ayant ferraillé contre lui dans différents dossiers qui avaient saisi l’instance ordinale, convaincus d’avoir mis le doigt sur un système bien rodé destiné à interrompre des procédures de licenciement. De son côté, l’avocat a toujours contesté ces accusations et avait dénoncé une « cabale » le visant. Il a toujours la possibilité de faire appel.
L’affaire avait fait l’objet d’une audience disciplinaire début juillet. À l’issue des débats, relatés par le Parisien, l’autorité de poursuite avait réclamé trois ans de suspension, dont un an ferme. La décision du conseil de l’Ordre est finalement plus clémente. Sur le fond, l’affaire avait commencé en 2022, lorsque des avocats habitués à défendre des employeurs ont remarqué que deux noms apparaissaient de manière récurrente dans leurs dossiers : celui de Me Thibaut de Saint Sernin, en défense des salariés, et du Dr Morgan Lemonnier, psychiatre, signataire des certificats médicaux. Le scénario était toujours le même dans ces affaires : lorsqu’une société entreprenait de renvoyer un de ses hauts cadres, après lui avoir adressé une convocation à un entretien préalable au licenciement, celui-ci était aussitôt placé en arrêt de travail et systématiquement pour un syndrome « anxio-dépressif », considéré comme maladie professionnelle, ce qui empêchait la poursuite de la procédure.

En effet, il est interdit à une société de se séparer d’un employé en maladie professionnelle sauf en cas de faute grave, sous peine de s’exposer à des indemnités importantes pour nullité de la rupture du contrat de travail. D’où les soupçons de connivence qui n’ont fait que croître chez les avocats d’employeurs, au point de s’en ouvrir à des confrères. « Sur les marches du palais de justice, sans entrer dans les détails de nos dossiers respectifs, on s’est aperçu que c’était toujours le même binôme, la même chronologie », raconte l’un d’eux à l’Informé. Une coïncidence qui les interpelle d’autant plus que le Dr Lemonnier, installé à Paris, a pu diagnostiquer des salariés vivant dans d’autres villes de France, voire à l’étranger grâce à la téléconsultation, ou dont le suivi médical était déjà assuré par un autre confrère.
Les avocats ont donc également signalé les faits à l’Ordre des médecins, qui a sanctionné le psychiatre à un an d’interdiction d’exercer ses fonctions, pour « compérage » en novembre 2024. Vent debout contre l’ensemble de ces accusations, celui-ci a fait appel, ce qui suspend la décision. Sollicité, son avocat n’a pas souhaité faire de commentaires.
De son côté, Me Thibaut de Saint Sernin n’a cessé de se défendre, lors des débats début juillet, d’une quelconque collusion avec le Dr Lemonnier et de dénoncer une mascarade entretenue par ses contradicteurs, qui cherchent selon lui à le discréditer devant les juridictions. Il accusait les sociétés de maltraiter les employés et de vouloir museler ceux qui luttent contre la souffrance au travail. En assurant qu’un médecin a l’obligation de déclarer une maladie professionnelle dès lors qu’il diagnostique un syndrome anxio-dépressif chez un salarié lui faisant état de difficultés au travail. Il avait aussi rappelé que de nombreux diagnostics du psychiatre ont été confirmés par la sécurité sociale. L’avocat a toujours la possibilité de faire appel de sa sanction.