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Continuer la lectureBercy va devoir rembourser à Vinci des impôts payés en trop
Saisie par Cofiroute, filiale du géant du BTP, la justice a donné tort à l’État qui a indexé sur l’inflation la taxe d’aménagement du territoire (TAT) depuis 2020. Eiffage et Sanef devraient profiter de cette jurisprudence.

Vinci gagne une manche. Depuis une dizaine d’années, le leader du BTP et des concessions, présidé par Xavier Huillard, s’oppose pied à pied à l’État qui, voyant les profits dégagés par les sociétés d’autoroutes, n’hésite pas à alourdir taxes et impôts. Vinci, qui regroupe les Autoroutes du sud de la France (ASF), Cofiroute et Escota, y voit une modification unilatérale de ses contrats passés avec le gouvernement, lors de la vague de privatisations des années 2000. Et il n’hésite pas à contester devant les tribunaux chacune des tentatives de l’exécutif qui ont pour conséquence de « rompre l’équilibre financier de ses contrats ». C’est le cas pour la taxe d’aménagement du territoire (TAT) que le gouvernement a voulu indexer à partir de 2020 sur l’inflation. L’ensemble des sociétés d’autoroutes se sont élevées contre la mesure : elles ont même bloqué le paiement de la contribution volontaire exceptionnelle (CVE) à l’Agence de financement des infrastructures de transport. « Cette contribution était due seulement si l’État respectait le protocole sur la stabilité fiscale des autoroutes, ce qu’il n’a bien sûr pas fait », explique un dirigeant.
Les montants sont importants : l’Autorité de régulation des transports avait évalué en 2023 à 882 millions d’euros courants la charge supplémentaire pour les sociétés autoroutières historiques (Vinci, Eiffage, Sanef) que représente l’indexation de la TAT sur l’inflation, en cumulé de 2021 à la fin des concessions (à partir de 2031 et jusqu’en 2037). Un impact toutefois « faible, comparativement, à celui d’autres évolutions, en sens inverse, de la fiscalité générale », jugeait l’Autorité. Les gestionnaires d’autoroutes ont par exemple bénéficié de la réduction, de 2018 à 2022, de l’impôt sur les sociétés pour un gain de 7,9 milliards d’euros.

Plusieurs contentieux ont été lancés, mais à chaque fois les sociétés concessionnaires, comme Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB), ont été déboutées. Cofiroute, la filiale de Vinci qui avait vu son recours rejeté par le tribunal administratif de Paris le 13 janvier 2023, vient d’obtenir satisfaction en appel, selon nos informations. La Cour reconnaît que l’indexation de la TAT « a entraîné de façon certaine une majoration du montant » payé par la société, qui exploite un réseau de 1 100 km d’autoroutes entre Paris et Poitiers, Nantes et Clermont-Ferrand.
Or, le cahier des charges de Cofiroute, qui encadre ses relations avec l’État, stipule qu’à la suite de tout changement fiscal, « l’État et la société concessionnaire arrêtent d’un commun accord les compensations, par exemple tarifaires, qui devront être apportées pour assurer la neutralité de ces modifications sur (...) l’équilibre financier de la société concessionnaire ». Les parties doivent s’entendre dans un délai de 4 mois après l’entrée en vigueur des nouveaux impôts.
Cofiroute est « dès lors fondée à soutenir qu’en refusant toute compensation, l’État a engagé sa responsabilité contractuelle », conclut la cour d’appel de Paris. Celle-ci renvoie ainsi Cofiroute devant l’administration pour s’accorder sur le montant et la forme que prendra la compensation financière. Une hausse du prix des péages n’est pas à exclure, car l’État refuse désormais d’étendre la durée des concessions (celle de Cofiroute se termine en 2034) pour financer des aménagements ou des travaux.
La filiale de Vinci évalue à 30 millions d’euros l’impact financier de l’indexation de la TAT pour le reste de la durée de sa concession. Pour 2020, elle l’estime à 355 000 euros, 427 000 euros sur l’année suivante, 2 millions en 2022 et 5,8 millions en 2023. Toutefois, cette inflation autoroutière devrait avoir « un impact limité sur le prix payé par les automobilistes, selon un expert du secteur. Compte tenu de la valeur des actifs, une nouvelle charge comme celle-ci ou un nouvel échangeur se traduit en quelques centièmes de centimes sur le ticket au péage… » L’accord sur un montant devrait s’ajouter à des discussions plus générales en cours entre Cofiroute et l’État sur des avenants au contrat de concession.
Toutefois, les autres sociétés concessionnaires devraient aussi faire valoir leurs droits après la décision de la Cour d’appel. Au premier chef, les autres filiales de Vinci (ASF et Escota) devraient déposer ces prochains jours un recours en ce sens devant le Conseil d’État. Elles devraient être suivies par les sociétés d’Eiffage et de Sanef. Chacune dispose en effet dans son cahier des charges de la même disposition protectrice contre tout alourdissement de la pression fiscale sur son contrat passé avec l’État.
Contacté, Vinci n’a pas répondu à nos sollicitations.
