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Continuer la lectureQwant encore une fois sauvé par la puissance publique
Alors qu’il n’a jamais décollé commercialement, le moteur de recherche français a obtenu un rééchelonnement de sa dette auprès de la Banque européenne d’investissement.

Cette fois-ci, le couperet n’est pas passé loin. Selon nos informations, Qwant, le moteur de recherche français qui se rêve en concurrent de Google, vient de frôler la faillite, enseveli sous une montagne de dettes. La start-up, détenue notamment par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), devait rembourser 5 millions d’euros en janvier dernier puis 10 millions supplémentaires en juin à la Banque européenne d’investissement (BEI), son principal créancier. Le tout en continuant d’honorer ses dépenses classiques de fonctionnement. Faute de trésorerie suffisante, l’entreprise a dû ouvrir des négociations discrètes avec son prêteur pour repousser ce mur infranchissable. En toute discrétion : Qwant a choisi une procédure qui ne nécessite pas de déclaration publique, un moyen de se donner toutes les chances de retour à meilleure fortune sans faire de mauvaise publicité. « Le rééchelonnement a été accepté et ce n’est plus un sujet pour le moment », indique un actionnaire.
Mais la start-up l’a reconnu : en cas d’échec des discussions avec la BEI, elle n’aurait pas pu faire face à ses obligations, obligée de se déclarer en cessation de paiements. Une déroute que l’institution européenne aurait du mal à assumer tant ce dossier est politique, Qwant s’imposant en symbole de la souveraineté technologique française salué par le ministre de l’économie Bruno Le Maire et le président Emmanuel Macron. L’Assemblée nationale ou le ministère des Armées disent même utiliser par défaut ce moteur, comme les municipalités de Paris, Rennes ou encore Nice.
Tout n’est pas réglé pour autant car la société doit aussi de l’argent à d’autres entités. Elle a fait appel au prêt garanti par l’Etat (PGE) à hauteur de 3 millions d’euros durant la pandémie l’an dernier (dont 1,5 million provenant de la Banque Publique d’Investissement) et a même obtenu un emprunt obligataire de 8 millions d’euros auprès du groupe chinois Huawei en mai 2021.
La question reste donc entière : jusqu’à quand Qwant pourra tenir ? Son activité ne lui permet pas encore de dégager suffisamment de cash pour régler toutes ces sommes. Créé en 2011, le moteur de recherche affichait toujours des pertes de 12,7 millions d’euros en 2020 et de 23,5 millions d’euros en 2019, pour un chiffre d’affaires respectivement de 7,53 millions d’euros et 5,86 millions d’euros. Face à ces mauvais résultats, le cofondateur Eric Léandri a fini par laisser son fauteuil de président, en 2020, à Jean-Claude Ghinozzi… qui lui-même s’est vu remplacer par le duo Corinne Lejbowicz et Raphaël Auphan. Très vite, plusieurs projets de diversifications ont été arrêtés que ce soit les paiements en ligne (Qwant Pay), la musique (Qwant Music), ou le sport (Qwant Sport). La suppression de 28 postes et le déménagement dans des locaux plus petits et moins chers ont également été décidés pour réaliser quelques économies.

Mais la cure d’amaigrissement a aussi compliqué les relations avec certains partenaires. Selon nos informations, le moteur de recherche a été assigné en justice par deux fournisseurs pour impayés cette année et les deux ont obtenu gain de cause devant le tribunal de commerce de Paris. « Nous n’avons pas d’explication ou de commentaire à formuler, précise une porte-parole du moteur de recherche. Ces affaires portent sur des éléments liés au passé ; l’objectif de Qwant est de se tourner vers l’avenir et de construire une entreprise solide et de confiance. »
Un avenir dans lequel la start-up va devoir s’imposer face à la concurrence. Selon Statcounter, elle contrôlait seulement 0,58% de part de marché en France en octobre devant DuckDuckGo (0,46%) mais derrière Ecosia (0,76%), Yahoo (1,27%), Bing (5,11%) et Google (91,37%).
Interrogé au sujet de ses difficultés financières, Qwant est resté peu loquace. « Nous ne communiquons pas sur les échéances de remboursement de nos dettes, nous en parlons exclusivement avec les parties-prenantes », indique l’entreprise. Contactée, la BEI n’a pas souhaité faire de commentaires non plus.