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Continuer la lectureBouygues et SFR demandent à l’État des centaines de millions pour le démantèlement des antennes Huawei
Alors que la loi sur la sécurité nationale a imposé de désinstaller le réseau chinois, les deux opérateurs français attaquent Matignon en justice pour être indemnisés.

Bouygues Telecom et SFR sont prêts à en découdre avec l’État. Selon nos informations, les deux opérateurs de télécommunications ont saisi le tribunal administratif de Paris pour se faire indemniser par les services de la première Ministre, Élisabeth Borne. La filiale du groupe de BTP et celle d’Altice estiment qu’ils n’ont pas à assumer financièrement la désinstallation en France de milliers d’antennes mobiles Huawei décidée par le gouvernement. Un démantèlement au coût considérable. Dans sa requête indemnitaire, Bouygues évalue « provisoirement » son préjudice à 82 millions d’euros. Ce montant est censé couvrir le remplacement de centaines d’antennes déjà réalisé, mais ce n‘est qu’un début : au total, le groupe doit en changer pas moins de 3 000 d’ici à 2028 et SFR plus de 8 000. À terme, les deux concurrents devraient donc réclamer des centaines de millions d’euros à l’État.
C’est en 2019 qu’une loi est venue tout bousculer. Visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France », ce texte a imposé aux opérateurs de ne pas utiliser la 5G de l’équipementier chinois Huawei dans certaines zones géographiques. Les lieux de pouvoir politique (Paris, Strasbourg), économique (Marseille, Lyon…) ou encore ceux liés aux Armées (Brest, Mont-de-Marsan…) ne peuvent être couverts par un réseau Huawei et chaque demande de déploiement doit être validée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Le problème ? Des antennes avaient déjà été installées dans des zones prohibées, il faut donc les démanteler une à une.
Pourquoi Huawei a ainsi été mis au ban ? Le groupe de Shenzhen est soupçonné par les États-Unis et ses alliés occidentaux de faire courir des risques d’espionnage de la part de Pékin, voire de sabotage via ce réseau très haut débit destiné aux particuliers mais aussi aux industriels de secteurs clefs : l’énergie, l’eau, les transports, la finance, la santé... Le groupe fondé par Ren Zhengfei, ancien technicien militaire dans l’Armée populaire de libération, ne cesse de marteler qu’aucune preuve n’a jamais été présentée et qu’il est la victime d’un affrontement géopolitique entre la Chine et les États-Unis.
L’équipementier fournit 52 % du parc de SFR et 47,5 % de celui de Bouygues Telecom en antennes 2G, 3G et 4G. Or, elles ne sont pas interopérables (compatibles) avec les technologies 5G du finlandais Nokia ou du suédois Ericsson. Le duo doit donc toutes les changer pour passer à la cinquième génération. Afin de réclamer réparation, il s’appuie sur une décision cruciale : saisi par leur soin, le Conseil constitutionnel avait rejeté leur demande d’annulation de la loi en février 2021 mais le Conseil d’État avait, au préalable, ouvert la voie à une indemnisation par l’État. Il n’en fallait pas plus pour que SFR et Bouygues Telecom se saisissent de cette opportunité. Mais le processus sera forcément fastidieux, les demandes de remboursement devant être formulées site par site. Face au silence du gouvernement, peu enclin à utiliser de l’argent public au moment de faire des économies, le duo se prépare à une longue bataille juridique.
Outre-Atlantique, le Congrès a débloqué une enveloppe de 1,9 milliard de dollars pour rembourser certains petits opérateurs mais ce montant s’avère insuffisant et le gendarme du secteur, la Commission fédérale des communications (FCC), a réclamé 3,1 milliards de dollars de plus l’an dernier.
Contactés, aucun des deux groupes télécoms n’a souhaité faire de commentaires sur des affaires en cours et Matignon n’avait pas répondu à nos sollicitations à l’heure où nous publions.