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Continuer la lectureUshuaïa : Nicolas Hulot attaque TF1 en justice
La Une a arrêté de reverser à l’ancien animateur sa part des recettes générées par l’exploitation de la marque, depuis cédée à L’Oreal.

La guerre est déclarée entre TF1 et Nicolas Hulot. Selon nos informations, l’ex animateur a attaqué son ancien employeur devant le tribunal de commerce de Nanterre. Au cœur de ce bras de fer : la marque UshuaÏa et les millions qu’elle génère. La Une estime qu’elle ne doit plus rien à son ancien animateur sur l’exploitation de ce nom, l’ancien ministre pense le contraire.
L’origine du conflit remonte à plus de trente ans, quand Nicolas Hulot présentait le fameux « magazine de l’extrême » sur la Une. En 1993, la chaîne alors dirigée par Patrick Le Lay concède à l’Oréal l’exploitation commerciale de la marque pour des déodorants et des gels douche. Le journaliste est mis devant le fait accompli, comme il le racontera plus tard : « Ça a été un peu la méthode TF1… À l’époque, ça m’a beaucoup contrarié. Ça a même donné lieu à un moment assez désagréable entre Patrick Le Lay et moi. » Et dans une autre interview : « ça s’est fait à mon corps défendant. La marque Ushuaïa ne m’appartient pas, elle appartient à TF1. J’ai essayé de m’opposer à l’exploitation de produits dérivés sous cette marque, parce que j’avais créé un univers audiovisuel qui n’avait pas vocation à devenir une marque commerciale. Mais je n’avais pas d’arguments juridiques pour m’y opposer. »

Finalement, en 1994, un accord est trouvé. Il prévoit que TF1 reverse au présentateur 25 % des recettes brutes générées par l’exploitation des produits Ushuaïa de L’Oréal. Ce deal permet au militant écologiste d’encaisser plusieurs centaines de milliers d’euros par an, qui atterrissent dans sa société personnelle Eole Conseil. En 2023, cette société engrange encore 420 643 euros de chiffre d’affaires, provenant principalement des royalties TF1/L’Oréal, le reste découlant des droits d’auteur de Hulot. Très rentable et n’employant aucun salarié, la structure dégage alors, cette année-là, une marge nette de 70 % l’an dernier. Comme elle verse relativement peu de dividendes et préfère garder en réserve ses profits, ses actifs s’élevaient ainsi à 4 millions d’euros en fin 2023.
Au fil des années, ce contrat de 1994 est reconduit à de nombreuses reprises, la dernière fois en 2018, avec un terme fin 2023. Un an et demi avant l’échéance, la filiale du groupe Bouygues prévient Nicolas Hulot qu’elle compte résilier l’accord à son expiration. Elle lui rappelle que le texte de 1994 intéresse l’animateur « en contrepartie de l’utilisation de la notoriété apportée par Nicolas Hulot à la marque Ushuaïa ». Selon elle, la notoriété de Nicolas Hulot ne contribue plus à celle d’Ushuaia. Après avoir diminué au fil du temps, la contrepartie au contrat aurait donc complètement disparu fin 2023.
Furieux, Nicolas Hulot ne l’entend pas de cette oreille. Dès réception du courrier, il répond à son ancien employeur que les royalties rémunèrent sa « contribution passée à la notoriété de la marque », et que le contrat doit se poursuivre « tant que les produits Ushuaïa de L’Oréal feront l’objet d’une exploitation commerciale ».
Mais TF1 ne veut rien savoir. L’ancien homme politique saisit donc le tribunal de commerce de Nanterre. Il demande que la résiliation du contrat jugée « fautive » soit annulée, et donc que l’accord continue à s’appliquer. Notamment que les royalties lui soient versées. La chaîne rétorque que Nicolas Hulot n’a aucun droit sur l’exploitation du nom sans une contrepartie réelle. Selon elle, son ancien salarié, « en revendiquant la notoriété de la marque », essaie d’« usurper le droit de propriété de TF1 sur la marque ».
Pour l’instant, l’affaire n’en est qu’à ses débuts. Dans un premier temps, TF1 a argué qu’il s’agissait d’un litige sur la propriété de la marque, et donc qu’il relevait du tribunal judiciaire. Mais le tribunal de commerce a rendu un premier jugement où il s’estime compétent pour trancher le conflit. Pour les juges consulaires, « TF1 ne démontre pas en quoi la société de Nicolas Hulot tenterait d’usurper la notoriété ou la propriété de la marque. Les motivations détaillées dans la lettre de résiliation de 2022 sont de toute autre nature : ancienneté du contrat, arrêt des émissions Ushuaïa sur TF1 depuis 2012, investissements consentis par TF1 pour la promotion de la marque, etc. Dans cette lettre de résiliation, aucune référence directe ou indirecte n’est faite à la validité ou à la propriété de la marque Ushuaïa. »
Le groupe audiovisuel a fait appel de cette première décision, mais vient d’être débouté par la cour d’appel de Versailles. Selon elle, « l’appréciation de la notoriété de M. Hulot, dont la disparation justifie selon TF1 la résiliation du contrat, est sans lien avec les droits sur la marque que la société de Nicolas Hulot ne revendique au demeurant nullement ».
Le tribunal de commerce va donc maintenant juger sur le fond l’affaire, qui s’est récemment compliquée. En effet, TF1, sans attendre le verdict des juges, a signé avec l’Oréal le 26 septembre dernier un accord de cession de la marque pour 27,5 millions d’euros, comme l’a révélé l’Informé. Là encore, Nicolas Hulot est tombé de sa chaise, car il n’avait pas été averti.
Enfin, les deux parties ont toujours des relations commerciales. TF1 exploite une chaîne thématique baptisée Ushuaia TV. Elle a lancé en 2021 une émission hebdomadaire baptisée Génération Ushuaïa, dont le premier numéro était consacré au créateur du show. Ces liens sont régis par un autre contrat datant des années 90. Selon cet accord, Nicolas Hulot a cédé à TF1 les droits d’exploitation de ses prestations dans les émissions Ushuaïa et Ushuaïa Nature, contre 7 % des recettes générées par les exploitations secondaires et dérivées des programmes. Cette redevance devait être versée pendant 30 ans à compter de l’achèvement de chacune des émissions.
Contactés, TF1 n’a pas répondu, et l’avocat de Nicolas Hulot Alain Jakubowicz s’est refusé à tout commentaire.
Mise à jour : TF1 a indiqué au Figaro « avoir la possibilité tous les 5 ans de sortir de ce contrat, et avoir exercé cette faculté qui était contractuelle »,