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Continuer la lecturePrisma Media : une vie plus difficile sans Gala
Dans une expertise présentée aux élus du personnel, le premier éditeur de magazines en France, filiale de Vivendi, anticipe une dégradation de ses comptes suite à la vente du magazine people. Prisma rejoindra prochainement Lagardère dans une nouvelle entité cotée en Bourse.

Fini la vie de Gala pour Prisma. En fin d’année dernière, le leader de la presse magazine en France a dû céder une de ses marques phares au Figaro pour résoudre les problèmes de concurrence posés par le rachat de Lagardère par Vivendi. Un important manque à gagner pour l’éditeur, car l’hebdomadaire lui avait rapporté l’an dernier 26 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 2,1 millions d’euros de marge. Désireux d’en savoir plus sur la situation du groupe sans cet atout majeur, les représentants du personnel ont mandaté le cabinet Alter pour éplucher les comptes. S’appuyant sur le budget prévisionnel de la direction, il vient de rendre un rapport que l’Informé a pu consulter.
Un point positif se dégage : le chiffre d’affaires net de la filiale de Vivendi ne devrait que légèrement baisser en 2024, à 263 millions d’euros contre 265 millions d’euros l’an passé. Dans un marché de la presse compliqué, c’est une bonne nouvelle, notamment due au lancement de plusieurs magazines comme Harper’s Bazaar, Mortelle Adèle ou Les clefs de mon énergie. D’autant que ces données ne prennent pas en compte les acquisitions les plus récentes : Milk, Ideat, Côté Maison, et les sites de M6 (Passeport santé, CuisineAZ, Croq’Kilos, Croq’Body, Fourchette & Bikini, Déco, Turbo, M6 météo).
Mais, si pour les activités papier l’absence de Gala « devait être largement compensée », avec un revenu en recul de 4 % seulement à 170 millions d’euros, il n’en va pas de même sur le numérique. Sans le titre people, le chiffre d’affaires de Prisma issu du web, des applications mobiles et des réseaux sociaux chutera de 13 % à 69,8 millions d’euros cette année. Surtout, l’impact se fera sentir sur la rentabilité, avec une marge des activités numériques en baisse de 31 % à 5,7 millions d’euros. Au total, les profits du groupe devraient passer de 52 à 44 millions d’euros.
Gala vendu, la rentabilité de Prisma reposera désormais largement sur les titres TV (Télé Loisirs, Télé 2 semaines, Télé Z…) : papier et web confondus, ils généreront près de 80 % des profits du groupe cette année, contre 60% en 2023. Le mensuel économique Capital, malgré une relance opérée cette année, devrait enregistrer une perte de 1,4 million d’euros (contre 500 000 euros en 2023), qui ne sera pas compensée par les profits du numérique (300 000 euros) contrairement à 2023. La direction, citée dans le rapport, souligne même que « les actions pour optimiser les coûts ne sont pas suffisantes ». Le magazine Geo suit la même trajectoire : marge négative de 400 000 euros sur le papier et de 200 000 euros sur le numérique.
Sans surprise, le pôle « femme & luxe » (Femme Actuelle, Prima, Voici…) enregistrera une forte chute de son chiffre d’affaires papier (-25,6 % à 64,3 millions d’euros) comme numérique (-25,3 % à 30,2 millions d’euros) en raison de la cession de Gala. Sa marge devrait atteindre 10,7 millions d’euros, contre 18,1 millions l’an dernier.
Afin de faire face à la situation, le groupe a déjà engagé plusieurs mesures de réduction des coûts. Alors que 146 journalistes ont pris la clause de cession ouverte en 2021 par le nouvel actionnaire Vivendi, seulement 70 % des postes ont été remplacés. Résultat : Prisma a perdu 73 salariés en deux ans et ne comptait plus que 819 CDI fin 2023. De quoi réduire les frais de personnel de 7,6 millions d’euros. Et ce n’est pas fini. « Dans le contexte de dégradation de la profitabilité brute attendue en 2024 (...) la direction a lancé en juin 2024 l’ouverture de négociations sur un plan de départs volontaires via une rupture conventionnelle collective (RCC) », comme l’avait révélé l’Informé. Une cinquantaine de postes sont visés (dont une quinzaine seront remplacés) à Géo, dans le pôle « éco » (notamment à Capital), mais aussi dans les services généraux, le secrétariat, les abonnements et la fabrication. Un accord avec les syndicats doit être trouvé d’ici le 29 août pour une clôture des candidatures fixée au 27 septembre. Objectif : boucler le plan d’ici la fin de l’année pour en voir les effets dès 2025.
Il s’agit de rendre la mariée la plus belle possible alors que Vivendi s’apprête à scinder ses activités en quatre entités cotées en Bourse. Prisma se retrouvera au côté de Lagardère dans un nouvel ensemble, mais tous deux « resteraient deux sociétés distinctes (pas de fusion prévue), tandis que les éventuelles synergies n’apparaissent pas évidentes », note l’expertise. Dans un communiqué publié ce lundi, Vivendi a annoncé que ses actionnaires voteront sur cette scission en décembre 2024.
Contacté, le porte-parole de Prisma n’a pas répondu.
Retour mitigé sur l’Intelligence artificielle
Le groupe de presse a lancé des expérimentations basées sur l’intelligence artificielle (IA) dans certaines rédactions comme Voici. Mais selon le rapport du cabinet Alter, ces initiatives ne permettent « pas pour l’instant de générer des économies car les prompts (instructions données à l’IA) nécessitent un temps de saisie par les journalistes quasi-équivalent à la rédaction de l’article ». En revanche, la direction, citée dans le rapport, estime que son utilisation peut être intéressante pour certains types de contenus « comme les fiches pays de Geo ou les biographies, ce qui permettrait de redéployer les journalistes sur le terrain ». En outre, cette technologie pourrait permettre de calculer « les prévisions de tirage des magazines par points de vente et par région, afin d’optimiser le niveau d’invendus ».
Droits voisins : le gros chèque de Google et des discussions avec OpenAI
Prisma a pu toucher un joli pactole sur les droits voisins, nouveau dispositif entré en vigueur fin 2019. Google lui a versé 16,2 millions d’euros en 2022 (dont 10 millions d’arriérés sur plusieurs années), puis 6,2 millions d’euros en 2023, pour pouvoir reprendre ses articles dans le moteur de recherche. Cet argent a permis d’améliorer la marge du groupe de presse. « Le modèle économique de Prisma repose désormais en grande partie sur les revenus des droits voisins, qui devraient être amenés à augmenter dans les prochaines années », peut-on lire dans le document d’expertise. Pour ce faire, un nouveau contrat de 3 ans est actuellement négocié avec Google mais aussi avec Meta et Microsoft. Et des initiatives sont menées pour faire de même avec des « acteurs de l’IA comme OpenAI mais qui impliquent d’importants coûts juridiques et administratifs ».
