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Continuer la lecturePrésidence de France Télévisions : dans la dernière ligne droite, les candidats ne se bousculent pas
L’Arcom a lancé le processus de nomination du prochain patron du groupe public. Si beaucoup de rumeurs circulent, autour d’Alexandre Bompard ou de Laurent Guimier notamment, l’actuelle titulaire, Delphine Ernotte-Cunci, fait figure de grande favorite, faute de réels concurrents.

Tous les cinq ans, le PAF joue à Tout le monde veut prendre sa place. En jeu ? Le très convoité fauteuil de patron de France Télévisions. Mais cette fois, peu de prétendants sont sortis du bois alors même que le processus de sélection du prochain boss du groupe public entre dans le dur. Les candidatures doivent être déposées d’ici ce vendredi 18 avril auprès du gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, qui entamera ensuite les auditions à partir du 12 mai. Le tout pour une nomination attendue le 22 mai au plus tard…
L’actuelle dirigeante, Delphine Ernotte-Cunci, doit dévoiler ses intentions cette semaine à ses équipes, mais il ne fait aucun doute qu’elle briguera un troisième mandat. « Je ne vois pas qui d’autre pourrait lui faire de l’ombre, note un très bon connaisseur du secteur. Certes, les récents dérapages de France Info sur la libération de 200 ‘otages’ palestiniens par Israël ont entaché son dossier. Et les tests de dépistage de drogue réalisés à l’Assemblée par Élise Lucet pour Envoyé spécial ont été peu appréciés des parlementaires. Mais aucune alternative crédible ne semble se dessiner.»
Si le nouveau président de l’Arcom, Martin Ajdari, pourrait vouloir se différencier de ses prédécesseurs qui ont déjà choisi Delphine Ernotte-Cunci par le passé – Olivier Schrameck en 2015 puis Roch-Olivier Maistre en 2020 -, il est vrai que les candidats ne se bousculent pas pour devenir calife à la place du calife. Officiellement sur la ligne de départ ? Le journaliste à France 3 et élu SNJ, Serge Cimino, postulant malheureux en 2015 et 2020, a indiqué sur son blog se présenter à nouveau. La productrice Frédérique Dumas, ancienne patronne d’Orange Studio, s’est aussi positionnée, comme l’a révélé la Lettre. Députée de 2017 à 2022, elle avait rédigé un rapport sur l’audiovisuel public où elle plaidait pour la reconquête des jeunes.
Sandrine Roustan, directrice générale du pôle contenu de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone), déjà dans la course en 2020, nous dit « réfléchir encore » : « j’ai évidemment un projet de candidature, mais j’ai aussi été approchée par des équipes qui souhaitent relever le défi. Or, je reste persuadée que le projet est aussi important que l’équipe qui le mettra en place. Donc si les projets qui me sont proposés sont en phase avec ma vision, je me rangerai derrière la personne qui le porte, sinon je prendrai mes dispositions. » Pour cette ancienne patronne de France 4, « il faut absolument sortir de l’impasse dans laquelle la politique enferme le débat, et qui freine l’évolution logique du service public vers une TV augmentée moderne et numérique, tournée vers le futur et donc les nouvelles générations ».
Un autre nom revient, celui de Justine Planchon, présidente de Mediawan Prod, très gros fournisseur de programmes pour France Télévisions (C’est à vous, C’est dans l’air, C’est l’hebdo, Ça commence aujourd’hui, …). Une fine connaisseuse du métier dont la nomination pourrait toutefois poser une question de conflit d’intérêts. Contactée, elle n’a pas donné suite à nos sollicitations. Tout comme Céline Pigalle, directrice de l’information de Radio France, qui aurait « montré des marques d’intérêt » selon La Lettre.
Selon nos informations, certaines personnalités, plus ou moins tentées par l’aventure, ont finalement décidé de ne pas y aller. C’est le cas de Laurent Guimier, ancien directeur de l’information de France Télévisions passé aussi par Europe 1 et la Provence. « J’y ai longuement réfléchi, étant très attaché à l’audiovisuel public, mais je ne serai pas candidat », nous indique-t-il. Idem pour Guillaume Dubois, ancien dirigeant de BFM TV et Euronews, qui nous assure ne pas se présenter. Thierry Thuillier, directeur général adjoint de TF1 chargé de l’information, s’est, lui, exprimé dans les colonnes du Figaro. « C’est toujours flatteur d’être sondé et sollicité. J’ai donc jeté un œil sur cette opportunité (...) J’ai refermé le dossier », a-t-il expliqué. Enfin, Bruno Patino, président du directoire d’Arte France, dont le mandat expire en mars 2026, aurait aussi renoncé, selon la Lettre.
Ces dernières semaines d’autres noms ont commencé à circuler. Ainsi beaucoup ont cru aux ambitions d’Alexandre Bompard, actuel PDG de Carrefour, fort de son passé dans l’audiovisuel (il a travaillé à Canal+ avant de diriger Europe 1) et de ses relations macronistes (son épouse Charlotte Caubel a été secrétaire d’État dans le gouvernement d’Élisabeth Borne). Mais, interrogé par l’Informé, l’entourage du patron dément catégoriquement cette piste, la qualifiant d’ « absurde ». Comme lui, Emmanuel Chain, à la tête de la société de production Elephant (filiale du groupe Webedia), a dû démentir son intérêt. Dans l’émission C médiatique, il s’est dit « surpris par cette rumeur [car] je n’ai jamais eu l’intention de candidater ».
Cette pénurie de candidats a plusieurs explications. D’une part, selon les textes, le patron de France Télévisions ne peut avoir plus de 65 ans. Dès lors, des personnes comme Frédérique Dumas (61 ans) Emmanuel Chain (62 ans) ou encore Thierry Thuillier (61 ans) seraient rattrapées par cette limite d’âge au cours de leur magistère, et devraient donc l’interrompre en cours de route. Ensuite, le salaire annuel reste très en deçà des rémunérations du privé : 322 000 euros de fixe, plus un bonus pouvant aller jusqu’à 78 000 euros. Qui plus est, le prochain dirigeant(e) aura la lourde mission de trouver des économies pour pallier un budget raboté, maîtrise des finances publiques oblige.
Enfin, et surtout, ce poste pourrait n’être qu’un CDD de quelques mois. Car la réforme de l’audiovisuel public prévoit de créer une holding commune regroupant France Télévisions avec Radio France, peut-être France Média Monde et l’INA. Dès lors, le patron du groupe télé changerait, et ne serait plus nommé par l’Arcom, mais par le président de cette holding baptisée France Médias. Cette réforme, lancée sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, est une véritable arlésienne. Déjà enterrée trois fois, elle vient de voir son examen repoussé une quatrième fois : elle devait être étudiée par l’Assemblée nationale le 11 avril, mais le gouvernement l’a retirée de l’ordre du jour, sans fixer de nouvelle date. La ministre de la culture Rachida Dati, fervent soutien de ce projet, espère le réinscrire à l’agenda avant la fin de la session – peut être fin mai ou fin juin. Si les députés finissent par l’adopter, il devra encore faire l’objet d’une seconde lecture dans les deux chambres. Le texte, même s’il est vivement combattu par les syndicats et la gauche, est soutenu par le bloc central et le Rassemblement national, et devrait donc a priori trouver une majorité dans la chambre basse.
Au plus tôt, cette holding serait alors créée le 1er janvier 2026. Dans ce cas, il faudrait d’abord nommer son PDG. Ce dernier choisirait ensuite des directeurs généraux pour chaque filiale. Delphine Ernotte-Cunci n’a jamais caché son intérêt pour diriger l’ensemble. L’Arcom se retrouve donc à lancer un processus pour désigner un dirigeant dont le mandat pourrait être très bref. De quoi refroidir pas mal d’ambitions et favoriser la patronne en place.