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Continuer la lecture« Le casse du siècle » : Mediapro perd son procès contre L’Équipe
L’ex-diffuseur de la Ligue 1 avait porté plainte contre le quotidien sportif qui, en Une, avait parodié son président Jaume Roures en braqueur de la série La Casa de papel.

Vainqueur des enchères pour diffuser l’essentiel des matches de foot de Ligue 1 et Ligue 2 de 2020 à 2024, en échange de 780 millions d’euros par an, le groupe Mediapro s’était vite retrouvé au cœur d’un fiasco qui a traumatisé le foot français. Incapable de verser les échéances dues dès les premiers mois, le diffuseur avait dû mettre un terme prématuré à son contrat. Le 12 décembre 2020, L’Équipe avait sauté sur l’occasion pour publier une « Une » mordante. Un photomontage représentait le président du groupe, Jaume Roures, grimé à la manière des personnages de La Casa de papel - une série Netflix sur une bande de braqueurs, qui rencontrait alors un grand succès -. Sous le titre « Le casse du siècle », une légende détaillait : « Le groupe sino-espagnol Mediapro, qui devait régler 780 millions d’euros par an entre 2020 et 2024 pour la diffusion de la plupart des matches de L1, s’est désengagé à très bon compte. Il lui suffira de verser 100 millions pour déroger à ses obligations (auprès de la Ligue de Football professionnel, ndlr). » Le diffuseur (dont l’actionnaire majoritaire est un fonds d’investissement chinois) et son dirigeant n’avaient pas vraiment apprécié la parodie…
Trois mois après la parution du journal, Mediapro et son dirigeant entamaient une action en justice pour diffamation. Leurs arguments ? Le titre, le photomontage et le sous-titre formaient un tout contraire à leur honneur et à leur réputation. Et d’expliquer : « Le titre contient une référence explicite à un acte malhonnête ‘’un casse’’ dont la gravité est renforcée par la qualification ‘’du siècle’’, signifiant s’emparer du bien d’autrui par la force ». Entre autres griefs, ils considéraient « que les lecteurs sont ainsi conduits à penser que le groupe Mediapro s’est enrichi au détriment de la LFP aux moyens de contraintes, de manœuvres voire de malversations ; que le désengagement de ses obligations revient à un vol, est le résultat d’une extorsion ». Des arguments battus en brèche par L’Équipe, qui de son côté fera notamment valoir que la publication s’inscrivait dans un contexte parodique et humoristique « excluant dans l’esprit des lecteurs toutes imputations de faits réels à prendre au premier degré ».
La justice a tranché. Et selon nos informations, Mediapro a perdu le procès en diffamation intenté à L’Équipe. Pour le tribunal judiciaire de Nanterre, en charge de l’affaire, le sous-titre décrivant les faits « ne porte atteinte ni à l’honneur ni à la considération » de la société Mediapro et à son dirigeant. De plus, les articles publiés dans les pages intérieures du journal, qui expliquent en détail le contexte de l’accord transactionnel signé entre Mediapro et la LFP sont venus, selon les magistrats, « corroborer le fait que la « Une » poursuivie, pour accrocheuse qu’elle soit, exprime l’opinion subjective du journal L’Équipe sur l’accord mettant fin au différend entre les protagonistes ». Ces éléments ont convaincu les juges que les propos et le photomontage poursuivis n’étaient pas diffamatoires. En conséquence, Mediapro a été débouté de toutes ses demandes.
Il espérait tout d’abord obtenir la publication d’un communiqué judiciaire… en Une de L’Équipe évidemment. Ensuite, à titre de dommages et intérêts, il réclamait 150 000 euros pour Mediapro et 150 000 euros pour Jaume Roures. Et la même somme pour sa holding Joye Media. Mais, n’étant pas identifiée ou désignée dans les pages du journal sportif, donc dépourvue de qualité à agir en diffamation, elle avait été sortie de la procédure. Contacté, le groupe L’Équipe « n’apporte pas de commentaires », sur cette affaire, alors que les avocats de Mediapro nous ont indiqué ne pas savoir, à date, si leur client comptait faire appel de la décision.
Quoi qu’il en soit, les dirigeants espagnols ont la dent dure contre le média français, puisqu’un autre procès s’est tenu à Barcelone. Et il a connu la même issue : le tribunal de première instance a rejeté toutes les demandes de Mediapro à l’encontre de L’Équipe en février 2023. Mais les mésaventures de Mediapro avec la France ne s’arrêtent pas là. L’ex diffuseur qui avait monté la chaîne Téléfoot - elle a cessé d’émettre en février 2021 - a été condamné aux prud’hommes en 2024. 35 journalistes pigistes de la chaîne ont obtenu la requalification de leur contrat en CDI. Ils ont perçu 338 000 euros à titre d’indemnités de licenciement et de dommages et intérêts. Le groupe continue son parcours dans le secteur du football non sans embûches. En avril dernier, L’Équipe a annoncé qu’il venait de perdre la production audiovisuelle de la Liga, le championnat de football espagnol, au profit de HBS, une autre entreprise de production. Mediapro, furieux, aurait publié - puis retiré - un communiqué critiquant la Liga. Il a indiqué vouloir faire appel de cette décision, estimant avoir fait la meilleure offre économique et technique.