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Continuer la lectureDominique Boutonnat, le patron du CNC, sera jugé en juin pour agression sexuelle
Le tribunal correctionnel de Nanterre a enfin audiencé son procès. Son maintien à la tête de l’établissement public dépendra du verdict.

Quatre ans après les faits présumés, Dominique Boutonnat, actuel président du Centre national du cinéma (CNC), va être enfin jugé pour « agression sexuelle » sur son filleul. Le procès devrait s’ouvrir le 14 juin 2024 au tribunal correctionnel de Nanterre, selon nos informations. « Il s’agit de la date envisagée pour l’instant, qui ne sera confirmée que lors de l’envoi des convocations », précise une source judiciaire. Un procès attendu, car si Dominique Boutonnat est condamné, il pourrait perdre son poste à la tête de l’établissement public : le gouvernement a jusqu’à présent maintenu l’intéressé en place au nom de la présomption d’innocence. Toutefois, toute condamnation sera susceptible d’appel, voire de cassation, repoussant une décision définitive d’au moins un, voire deux ans. L’épilogue de l’affaire pourrait donc intervenir bien après juillet 2025, date d’expiration du mandat de Dominique Boutonnat à la tête du bras armé de l’État pour le 7e art…
Pour mémoire, son filleul, alors âgé de 20 ans, avait porté plainte contre lui en octobre 2020 pour des faits remontant à août 2020. En février 2021, le producteur a été mis en examen pour « agression sexuelle » et « tentative de viol ». Malgré cela, il avait été reconduit à la présidence du CNC en juillet 2022. Puis en septembre 2022, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, mais seulement pour « agression sexuelle ». Il a donc fallu attendre 21 mois pour que le procès se tienne. Le tribunal explique ce long délai par le grand nombre d’affaires en attente par rapport aux capacités du tribunal.
Pour sa part, Dominique Boutonnant a toujours « fermement contesté » les accusations. « Je tiens à réaffirmer mon innocence et ma confiance dans la justice pour cette affaire », avait-il déclaré au Point. Il a porté plainte contre son filleul (qui est de 30 ans son cadet) pour « dénonciation de crime imaginaire » et « dénonciation calomnieuse ». Toutefois, il aurait, juste après les faits, envoyé à son filleul un message lui demandant de garder le secret sur ce qui s’était passé entre eux cette nuit-là, message qu’il a ensuite effacé, selon l’ordonnance de renvoi citée par Mediapart. Il aurait aussi envoyé aux parents de son filleul un message expliquant qu’il serait un homme mort si l’affaire était ébruitée, à en croire une enquête de l’Obs.
Frère du réalisateur et musicien Laurent Boutonnat, Dominique Boutonnat est un condisciple à Sciences Po d’Édouard Philippe. Il est aussi considéré comme un proche d’Emmanuel Macron, dont il avait soutenu la candidature en finançant sa campagne dès avril 2016 à hauteur de 7 500 euros (le maximum autorisé), puis en participant à un cocktail d’En marche le 13 juin 2016, indiquent les « MacronLeaks ». Le soir du premier tour de la présidentielle, il n’est pas invité à La Rotonde mais parvient à y entrer, racontait l’Obs. À cause de cette proximité, sa nomination à la tête du CNC en 2019 avait suscité une pétition qui a recueilli plus de 7 000 signatures - une première dans l’histoire du secteur. Après sa mise en examen, puis son renvoi devant le tribunal, son départ a été demandé notamment par le collectif 50/50, la CGT Spectacle et la SRF (Société des réalisateurs de films).
Enfin, ces derniers mois, deux personnalités importantes ont pris publiquement position contre lui. En mai 2023, Arthur Harari, époux de Justine Triet et coscénariste d’Anatomie d’une chute, a affirmé : « Dominique Boutonnat n’a pas été placé là par hasard, ni par n’importe qui… Il y a un moment où il faut apporter des réponses claires, des réponses de probité publique. Il était contesté par le secteur, mis en examen pour agression sexuelle, et on le reconduit à la tête du CNC. Il devrait dégager. Cette affaire me choque tout particulièrement ». Hasard ou coïncidence ? Quatre mois et une Palme d’or plus tard, Anatomie d’une chute a été recalé par la commission chargée de choisir le représentant de la France aux Oscars. Une commission dont les membres sont proposés par le CNC, et à laquelle Dominique Boutonnat participe sans droit de vote…
Un coup de plus a été porté le 29 février dernier par Judith Godrèche. « Le CNC est une institution dans laquelle se rendent les producteurs en rigolant, car ils vont faire une formation contre les violences sexuelles dans une institution où le président est accusé de violences sexuelles », a-t-elle déclaré lors d’une audition au Sénat. Elle a souhaité sa mise en retrait, expliquant l’avoir déjà demandée - en vain - à la ministre de la Culture, Rachida Dati. « Ce à quoi elle m’a répondu : “la présomption d’innocence”. Je lui ai dit que ce n’était pas la question, mais une question de symbole ». Suite à cette déclaration, Laurent Lafon, le président (centriste) de la commission de la culture du Sénat, et Dominique Vérien, présidente (centriste) de la délégation aux droits des femmes de la haute assemblée ont envoyé un courrier à Rachida Dati lui demandant de mettre fin aux fonctions de Dominique Boutonnat. La pression politico-médiatique sera-t-elle plus forte que la pression judiciaire ?
Contacté, l’avocat de Dominique Boutonnat, Emmanuel Marsigny, n’avait pas répondu lors de la publication de cet article.