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Continuer la lectureDe Villiers, Messiha… l’étiquette de droite des figures de CNews en passe d’être confirmée par le Conseil d’État
Quatre habitués des plateaux de la chaîne info contestaient le fait d’être catégorisés par l’Arcom comme personnalités politiques.

Sous les dorures du Conseil d’État se sont tenus ce jour des débats décisifs pour la programmation de CNews. Ce sont en effet les recours du gratin de la chaîne de Vincent Bolloré contre l’Arcom que la juridiction a jugés cet après-midi. Plusieurs habitués des plateaux ont tenté de se défaire de l’étiquette de « personnalité politique » que leur a attribuée l’Arcom. Mais le rapporteur public de l’institution, généralement suivi, leur a donné tort. Estimant en substance qu’ils n’étaient pas seulement des animateurs ou des invités, car dans leurs émissions ils tenaient des propos de caractère politique. Et que de ce fait, cela devait obliger les chaînes à décompter leur temps de parole et le compenser avec des invités d’autres courants politiques.
Figure emblématique de cette histoire ? Philippe de Villiers, dont l’émission a été maintenue par CNews, malgré la décision de l’Arcom de le considérer comme personnalité politique de droite, en mars 2024. Et, ce malgré les dénégations de cet ex-ministre qui se présente désormais comme écrivain et « scénariste » bénévole pour le Puy du Fou, parc d’attractions dont il est propriétaire. Mais, selon le rapporteur public, nul besoin de détenir un mandat ou d’être encarté pour être considéré comme une personnalité politique. Et cela inclut donc aussi ceux qui ont perdu des élections ou se sont mis en retrait volontairement. « Quelqu’un qui aurait récemment exercé des fonctions ou qui, à l’approche d’élections, appellerait à un large rassemblement pour un camp en particulier, reste une personnalité politique », rappelle le rapporteur public. Le simple fait de soutenir un ou une élue lors d’une émission est donc caractéristique d’une prise de position politique. « Encourager » de jeunes candidats comme Marion Maréchal, par exemple, revient à « apporter un soutien actif à un camp politique », a jugé le rapporteur.
Participer activement au débat national en « exprimant des positions sur de nombreux sujets dans une émission », comme le fait régulièrement Philippe de Villiers, peut donc suffire à être étiqueté. Qu’il s’agisse par exemple, de considérer qu’une opposition à l’IVG est un « viol du serment d’Hippocrate », que l’arrivée de migrants à Lampedusa est un « échec flagrant », ou encore que les personnes placées sous OQTF ne sont pas suffisamment renvoyées dans leur pays.
Le rapporteur a ainsi donné tort à d’autres figures de la chaîne. Outre le fondateur du Puy du Fou, il s’agit de Jean Messiha et Marc Warnod, considérés tous deux de « divers droite », et de Jean-Michel Fauvergue, classé en tant que « divers centre ».
Selon le rapporteur, Jean Messiha remplit donc les conditions pour être assimilé à une personnalité politique. Ce haut fonctionnaire, actuellement en disponibilité, connu pour être rompu à l’exercice télévisuel, a annoncé son départ du parti Reconquête, et il se présente désormais comme président de « Vivre Français », un cercle de réflexion se donnant pour but de lutter notamment contre « l’islamisation de la France ». « Il aspire à ce que ses idées triomphent électoralement et prend parti dans le débat national sur des sujets très larges », considère le rapporteur. Dans une longue accumulation, il souligne que Jean Messiha a notamment créé une cagnotte pour les policiers dans l’affaire de la mort de Nahel, critique fréquemment l’islamo-gauchisme ou encore la politique d’Emmanuel Macron, disserte également sur l’immigration, le conflit israélo-palestinien ou l’affaire Crépol, et dit lutter contre un éventuel « grand remplacement ».
De plus, ce monsieur a récemment été membre d’un parti politique, et il s’est d’ailleurs présenté aux élections législatives en 2024. Le rapporteur a d’ailleurs rappelé qu’il apparaît « artificiel » d’exclure de la classification des personnalités ayant fraîchement annoncé quitter leur famille politique ou perdu des élections, du fait de la difficulté de savoir si ces mises en retrait étaient bien effectives. D’autant que certains personnages cultivent une « ambiguïté » sur leur volonté d’accéder à des fonctions politiques. Ainsi, Jean Messiha, après avoir juré qu’il quittait la politique, a récemment annoncé qu’il souhaitait se présenter à la mairie d’Évreux en 2026...

Quant à Marc Warnod, le rapporteur indique qu’il s’est bien fait élire sur une liste municipale de droite, dans la ville de Neuilly-sur-Seine où il est adjoint au maire, même s’il n’adhère pas à un parti politique. Et ce riche homme d’affaires, présenté uniquement comme un « chef d’entreprise » sur les bandeaux de télé, est loin de s’en tenir à son domaine d’expertise. « Il commente l’actualité politique sans lien direct avec ses fonctions de chef d’entreprise », affirme le rapporteur. En plus de sujets consacrés à l’économie, il intervient en effet sur des dossiers comme la sécurité, la délinquance, l’immigration, voire l’écriture inclusive… « Ce sont toujours les 3 000 voyous, qui passent leur temps à vouloir tout casser. Ces zadistes professionnels qui vivent des aides sociales que produisent nos impôts », avait-il par exemple déclaré lors des manifestations contre la bassine de Sainte-Soline. Pour faire tomber son étiquette de droite, par la voix de son avocat, il a tenté de faire valoir son manque de notoriété. « Je vois mal comment Marc Warnod pourrait être considéré comme une personnalité politique, déjà une personnalité il ne l’est certainement pas, à l’échelon national, j’entends », dit son conseil. Avant d’enfoncer le clou, en s’adressant au Conseil d’État : « Je doute que quelqu’un d’entre vous ait entendu parler de lui avant la formation de cette requête ». L’avocat indique aussi que son client « n’a pas la coloration politique qui lui est prêtée », et doute du fait que des sujets comme l’écriture inclusive « soit politique et ait une portée nationale ». « Il est inquiétant qu’un chef d’entreprise présenté comme tel, et qui, parce qu’il a un parler séduisant, se voit interroger sur d’autres sujets, soit classé comme personnalité politique ».
Le dernier requérant, Jean-Michel Fauvergue, a de son côté été étiqueté par l’Arcom dans la catégorie « divers centre ». Habitué des plateaux et souvent présenté comme ex-chef du RAID sans que son ex-mandat de député ne soit rappelé, le rapporteur a estimé qu’il intervenait régulièrement sur des thèmes qui dépassent son domaine de prédilection, la sécurité. Le Conseil d’État va rendre sa décision dans quelques semaines.