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Continuer la lectureDe Villiers, Hanouna, Morandini… nouvelles sanctions en vue contre CNews et C8
L’Arcom a engagé trois nouvelles procédures contre les chaînes du groupe Canal+ pour des insultes, des propos anti-avortement et le relais d’une fake news.

Ce n’est décidément pas la fête pour le groupe Canal+. Alors que C8 s’apprête a perdre sa fréquence TNT - CNews conserve la sienne -, trois nouvelles procédures de sanctions sont engagées par l’Arcom contre les deux antennes du groupe de Vincent Bolloré. La première concerne trois séquences diffusées dans les émissions « PAF avec Baba » et « Touche pas à mon Poste », dans lesquelles Cyril Hanouna insulte Julien Bellver, chroniqueur chez Quotidien, l’émission rivale de TMC diffusée à la même heure. Le 30 janvier, dans « PAF avec Baba », l’animateur de C8 qualifiait celui-ci de « bouffon », et déclarait qu’il était le chroniqueur « le plus mauvais du monde » : « J’ai jamais vu un mec aussi mauvais à l’antenne. Avec moi, il fait pas 5 minutes. Je le prends, je le sors et je le savate. » Il affirmait également que les journalistes de Quotidien faisaient « les malins » : « S’il veut demain je vais le voir où il veut, il se chie dessus. »
Le 14 février, dans « Touche pas à mon poste », en réaction à un sujet sur CNews diffusé dans Quotidien, Cyril Hanouna traitait les membres de l’équipe de Yann Barthès de « minables » et réagissait face à la saisine de l’Arcom par Julien Bellver : « Julien Bellver a écrit à l’Arcom comme quoi j’avais mal parlé de lui pendant l’émission. C’est sa mère, l’Arcom. » Le lendemain, dans « Paf avec Baba », il revenait à la charge : « Lui, c’est une phrase une connerie, c’est pas possible. Il n’y a que des conneries qui sortent de sa bouche. Il faut qu’ils arrêtent de l’envoyer dans des émissions ce mec-là, c’est pas possible. » L’Arcom considère que ces séquences pourraient constituer des manquements à l’obligation de respect des droits de la personne.

Le journaliste de Quotidien, qui signe chaque jour la chronique du « 19 h 30 médias », était déjà la cible de l’animateur de C8 à l’automne 2023. Le 3 octobre, dans « PAF avec Baba », Cyril Hanouna menaçait le chroniqueur : « Qu’il sache que quand il fera un prime, je ne le louperai pas. Et moi, j’ai vraiment fait des sports de combat. […] S’il veut, on va prendre un verre tous les deux, puis il prendra le diabolo menthe dans la gueule. »
La deuxième procédure de sanction à l’égard du groupe Canal+ concerne des propos anti-avortement tenus par Philippe de Villiers sur CNews, dans son émission hebdomadaire « Face à Philippe de Villiers », le 1er mars 2024. Interrogé par le présentateur Eliot Deval sur la constitutionnalisation de l’IVG, après l’adoption du projet de loi sur le sujet par l’Assemblée nationale et le Sénat, l’ancien député européen faisait part de sa « tristesse », parlait d’un « viol de conviction intime » pour le personnel médical, de « pénalisation de la parole de vie » et de « porte ouverte à la dérive eugéniste » : « On élimine le plus faible en fonction du génome. C’est le passeport de toutes les transgressions […] une course à l’abîme d’une civilisation en perdition. »
Le présentateur précise alors que ces réflexions portent sur la constitutionnalisation de l’IVG, et non sur la remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps. Mais Philippe de Villiers renchérit : « Moi, je suis hostile à l’avortement parce que je suis pour le droit à naître de tous les enfants. » Une séquence qui pourrait représenter des manquements à la présentation honnête des questions prêtant à controverse et à l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, selon l’Arcom.
Pour rappel, CNews est déjà l’objet d’une autre procédure de sanction lancée par le gendarme de l’audiovisuel pour son émission religieuse En quête d’esprit du 25 février, dans laquelle une infographie présentait l’avortement comme la première cause de mortalité dans le monde. Auditionnés le 29 février par la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences télévisuelles à l’Assemblée nationale, les dirigeants de CNews avaient qualifié le passage d’« erreur impardonnable », de « honte » et de « traumatisme ».
La troisième procédure de sanction engagée par l’Arcom se rapporte à des séquences diffusées dans les émissions « La Matinale » et « Morandini Live » du 28 septembre 2023, dans lesquelles CNews avait relayé une fake news diffusée par Valeurs actuelles. Le journal d’extrême droite racontait qu’un collège de Pau, « [cédant] aux pressions de parents musulmans », mettait à disposition des salles de prières pour ses élèves lors d’un voyage scolaire. Au lendemain de la publication de l’article, son auteur Edouard Lavollé était invité dans l’émission de Jean-Marc Morandini, où il racontait que « les parents d’élèves musulmans menaçaient de ne pas financer ce voyage si les salles de prière n’étaient pas mises à disposition ».
La fake news était débunkée dès le lendemain par Sud Ouest, qui constate qu’« aucun élève, ni parent d’élève, n’a jamais exigé un tel aménagement » et qui explique que l’établissement s’est conformé au Code de l’éducation et à la législation sur la laïcité à l’école.
Pour l’Arcom, les passages de « La Matinale » et du « Morandini Live » pourraient constituer des manquements à l’honnêteté et la rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, ainsi qu’à la présentation honnête des questions prêtant à controverse.
Malgré le démenti de Sud-Ouest, Cyril Hanouna a continué à relayer la fake news le soir même dans « Touche pas à mon poste » , organisant un débat sur le thème « Des parents d’élèves font pression pour que des collégiens aient des salles de prière, trouvez-vous ça normal ? ». Il y affirme que « Valeurs Actuelles a donné une info qui est bonne » : « Jacques [Cardoze] a travaillé sur le dossier […] L’info est vraie. » L’Arcom s’est aussi saisie de cette séquence, et continue son instruction, toutefois sans avoir ouvert de procédure de sanction.
Les trois procédures contre les antennes de Vivendi ont été confiées à un rapporteur indépendant du Conseil d’État qui va mener l’enquête et rendre ses recommandations à l’Arcom. Le régulateur décidera alors de suivre (ou pas) ses recommandations, et d’infliger (ou pas) une sanction. En pratique, il peut s’agir d’amendes allant jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires (5 % en cas de récidive), d’une suspension de la publicité, d’une suspension de l’émission, d’une suspension de la chaîne temporaire ou définitive, d’une réduction de la durée de l’autorisation d’émettre de la chaîne… Les chaînes du groupe Canal+ sont déjà les plus sanctionnées par le régulateur, avec dix amendes d’un total de 7,6 millions d’euros pour le canal 8, et six amendes d’un total de 380 000 euros pour le canal 16. Contacté, Canal+ n’a pas répondu à nos sollicitations.