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Continuer la lectureAmazon, Fnac… pourquoi les frais de port des livres à 3 euros pourraient sauter
Mauvaise nouvelle pour le gouvernement. Saisi par Amazon qui conteste les frais de livraison imposés depuis 2023, le rapporteur du Conseil d’État propose de transmettre la question à la Cour de justice européenne.

Amazon pourrait bien gagner son bras de fer contre le gouvernement français. Le géant du commerce en ligne est tout du moins sur la bonne voie. En juin 2023, il avait contesté pour excès de pouvoir la nouvelle loi prévoyant 3 euros de frais de livraison pour toute commande de livres de moins de 35 euros (1 centime au-delà). Effectif depuis octobre 2023, ce dispositif voulu par le gouvernement est destiné à protéger les librairies physiques. Or, selon nos informations, le rapporteur public du Conseil d’État, dont les conclusions sont généralement suivies, vient de recommander, jeudi 25 avril, la transmission de cette question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Objectif : éprouver la compatibilité du dispositif français avec le droit de l’Union. La requête d’Amazon « pose de délicates questions sur l’articulation entre le dispositif adopté et le droit de l’Union européenne, a expliqué le magistrat. Nous allons vous proposer de saisir la CJUE de plusieurs questions préjudicielles. »

C’est une première victoire pour la plateforme car, comme l’avait révélé l’Informé, la Commission européenne a déjà émis un avis critique sur ce texte. L’an passé, Bruxelles rappelait que les vendeurs de livres installés dans un autre État membre sont en principe uniquement régis par leurs lois locales. En outre, la facturation de 3 euros voulue par la France à l’encontre de tous les vendeurs de livres, peu importe leur localisation, risque d’avantager les commerçants installés en France par rapport aux autres opérant ailleurs dans l’Union européenne. Car les sociétés tricolores (Fnac, Decitre…) sont susceptibles « d’avoir une infrastructure leur permettant d’offrir des alternatives » à un envoi à domicile. La Commission estime en conséquence « une discrimination de facto » à l’égard des détaillants en ligne sans présence physique dans l’Hexagone. Bruxelles avait même détecté une « une restriction injustifiée à la libre circulation des services », un dogme dans le droit de l’UE.
Contacté, Amazon France n’a pas souhaité faire de commentaire. Toujours est-il que la veille du rendu de cette conclusion, le groupe avait opportunément diffusé un sondage Ifop sur les pratiques d’achat culturel des Français. Cette étude dévoile que 63 % des sondés estiment avoir vu leur pouvoir d’achat diminuer en raison des nouveaux frais de livraison de 3 euros et 40 % affirment lire moins qu’avant du fait de cette hausse. Qui plus est, la mesure bénéficierait peu aux librairies physiques : celles-ci attireraient seulement 26 % des acheteurs ayant décidé de se reporter davantage vers des points de vente physique, contre 41 % pour les grandes surfaces. Et ce n’est pas tout. Dans une tribune publiée dans l’Express le 23 avril, le directeur général de l’e-commerçant, Frédéric Duval, a enfoncé le clou : « plus de 90 % des 35 000 communes françaises n’ont pas de librairie quand Paris, à elle seule, concentre près de 20 % des librairies françaises pour seulement 3 % de la population. On comprend pourquoi près de la moitié des livres vendus par Amazon France sont expédiés vers de petites villes et des zones rurales. »
Et d’ajouter, « en niant la complémentarité des offres physique et numérique, les politiques publiques culturelles peuvent s’avérer contre-productives et creuser les fractures culturelles qu’elles souhaitent pourtant combattre. »