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Continuer la lectureLVMH : le dividende des Arnault en hausse malgré un bénéfice en baisse
Le groupe de luxe a souffert d’une mauvaise conjoncture en Asie. Sans que Bernard Arnault et ses cinq enfants en pâtissent : ils toucheront cette année un montant record.

Lorsque Bernard Arnault se présente en cette fin janvier devant les analystes financiers, le PDG de LVMH doit assumer des résultats 2024 un peu moins clinquants que d’habitude. Il souligne d’abord « une année solide marquée par un environnement économique mondial difficile » avant de détailler les situations région par région : « Faiblesse en Asie, à part le Japon. Les États-Unis étaient dans une période électorale un peu incertaine, et l’Europe finalement s’en sort pas mal. Mais globalement la conjoncture était plus délicate. » De fait, le groupe a enregistré un recul de 2 % de son chiffre d’affaires l’an dernier, à 84,68 milliards d’euros, et, surtout, une chute de son bénéfice net de 17 %, à 12,55 milliards d’euros.
Malgré tout, le géant du luxe a proposé de verser le même dividende (13 euros par action) qu’en 2023, année record pour LVMH, lors de son assemblée générale du 17 avril 2025. Ainsi, 51,7 % des profits partiront dans la poche des actionnaires, contre 42,8 % seulement l’année précédente. De quoi récompenser leur fidélité… à commencer par le premier d’entre eux, la famille Arnault. Avec 49 % du capital (contre 48,6 % en 2023), les holdings détenues par le clan vont recevoir 3,187 milliards d’euros. C’est 0,48 % de plus qu’en 2023, où elles avaient perçu 3,17 milliards d’euros, déjà un record comme nous l’avions révélé. Un joli pactole qui part essentiellement dans les comptes de la structure familiale Agache SE.
Et là, un jeu de poupée russe commence. Cette dernière appartient à la holding luxembourgeoise Scheffer Participations (pour 5,4 %) et à trois structures belges : Belholding Belgium (pour 16,1 %), Pilinvest Participations (pour 26,5 %), Pilinvest Investissements (pour 38,4 %). Les deux dernières structures sont détenues en direct par Bernard Arnault lui-même. L’an dernier, Pilinvest Participations a ainsi versé près de 10 millions d’euros de dividendes à l’empereur du luxe. C’était une première depuis sa création en 2016. Pour sa part, Pilinvest Investissements n’en a jamais distribué.
Autrement dit, la quasi-totalité des milliards versés chaque année par LVMH ne remonte pas jusqu’au compte en banque personnel de Bernard Arnault mais s’entasse dans des holdings intermédiaires, ce qui permet de ne pas payer d’impôts sur les dividendes.
Cela explique la (relative) modestie des revenus figurant sur la feuille d’impôts personnelle du PDG. En 2019, il avait déclaré 280 millions d’euros : 10 millions de salaires et un peu plus de 270 millions de plus-values sur des ventes d’actions, notamment Hermès, avait révélé le Canard enchaîné.
Une chose est certaine. La famille reste si confiante dans les perspectives de LVMH qu’elle continue régulièrement de se renforcer au capital quand les marchés financiers ont, eux, affiché leur déception. Le cours de Bourse très haut de mars 2024, à 862 euros par action, a perdu près de 25 % de sa valeur en un an pour retomber à 652 euros ces derniers jours, plombé par une activité moins florissante en Chine. Le groupe n’est pas en difficulté pour autant. « Le consommateur chinois est inquiet. Mais son envie de consommation reste intacte et repartira quand la confiance en l’avenir reviendra », a indiqué le directeur financier. De quoi espérer de jolis dividendes en 2026.
La situation géopolitique actuelle laisse tout de même planer une incertitude (avec le risque des hausses des droits de douane aux États-Unis) et, au niveau national, un autre nuage se profile : l’impôt sur les sociétés. Lors de la session des questions-réponses à la fin de la présentation des résultats, Bernard Arnault a dénoncé la surtaxe ponctuelle voulue par le gouvernement pour les entreprises. Celles affichant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires devront payer 41,2 % d’impôts sur les sociétés en 2025. « C’est incroyable. Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! Je ne sais pas si c’est l’objectif du gouvernement mais il va y arriver ! », s’est emporté le dirigeant. « Aux USA, les impôts vont descendre à 15 %, les ateliers sont subventionnés dans une série d’États, et le président [Donald Trump] encourage ça », a-t-il avancé en guise de comparaison. Ces propos ont fait l’effet d’une bombe. Le Premier Ministre, François Bayrou, a rencontré le milliardaire et le gouvernement a rappelé que chacun devait « prendre sa part aux efforts ». En 2024, LVMH disposait de 9,4 milliards d’euros de trésorerie, en hausse de près de 24 % sur un an. Contacté, le groupe n’a pas souhaité faire de commentaire.
Antoine Arnault prend la présidence d’Agache Commandité
Changement d’ère dans l’empire Arnault. En 2022, la structure Agache, pierre angulaire du business familial, a été transformée en société en commandite. Ce statut donne aux commandités un contrôle total de cette entreprise, quelle que soit leur participation (même minime) au capital. En l’occurrence, ils sont deux : Bernard Arnault lui-même, et une holding baptisée Agache Commandité. Cette dernière a pour actionnaires les cinq enfants de la famille Arnault (leurs parts étant non cessibles). Delphine, l’aînée, a pris la présidence de cette entité durant les deux premières années, mais elle vient de céder sa place à son petit frère Antoine, en février. Devrait suivre ensuite, Alexandre en 2027, Frédéric en 2029 puis, enfin, le benjamin Jean en 2031. Tous détiennent des parts égales car, à ce jour, leur père n’a pas désigné de successeur.