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Continuer la lectureInsultes, humiliations… les sombres coulisses de l’agence d’Anne Hommel, Majorelle
La boutique de l’ex-conseillère de DSK et de Cahuzac travaille pour le Tout-Paris des affaires et du showbiz. Mais les salariés dénoncent un management toxique.

« C’était une occasion en or. » Quand Juliette* décroche une place dans l’agence Majorelle, cette jeune recrue désireuse de se faire un nom dans le monde de la communication, se promet de se « donner à fond ». « Je me disais que j’avais de la chance de travailler avec des profils excellents comme celui d’Anne Hommel, elle a un parcours qui en jette. » Véritable figure dans son domaine, la star de la com’ s’est fait connaître en organisant la campagne de presse de Dominique Strauss Kahn lors de l’affaire du Sofitel ou en orchestrant les aveux télévisuels de Jérôme Cahuzac après les révélations sur son compte en Suisse. Sa boutique, créée en 2012, est depuis devenue une des références des « RP ». Alors Juliette tente coûte que coûte de s’intégrer, ne compte pas ses heures… Mais finit par atteindre ses limites. Accablée par une ambiance de travail qu’elle juge nocive, la jeune femme quitte l’entreprise « lessivée » et « dégoûtée ». « Il m’a fallu des mois pour me remettre sur pied et chercher un boulot, je me suis même demandé si j’avais vraiment ma place dans ce milieu », se souvient la jeune femme.
Comme elle, un bataillon d’aspirants communicants a rêvé de Majorelle… avant de déchanter. Le prestige de la maison ne fait aucun doute : elle travaille aussi bien pour les grands noms du show-business (Nikos, Gad Elmaleh, Laeticia Hallyday…) que les cadors du cinéma (Warner, Prime Video, Pathé…) ou les médias, comme la rédaction de Charlie Hebdo après les attentats de 2015. Avec un savoir-faire reconnu lorsqu’il s’agit de voler au secours des puissants embourbés dans des affaires brûlantes comme Roman Polanski ou Ary Abittan. L’opiniâtreté d’Anne Hommel elle aussi est réputée. Dans le podcast Génération Do It Yourself, la spin doctor expliquait elle-même l’an dernier : « Quand je défends les intérêts d’un client, je suis capable de tout, je considère que je n’ai pas à subir d’obstacles », avant de se reconnaître « exigeante » avec ses équipes. Mais ils sont nombreux, en poussant les portes de sa boutique, à découvrir un quotidien bien différent de ce à quoi ils s’étaient préparés. Coups de pression, humiliations, insultes… Une vingtaine de collaborateurs ont raconté à l’Informé la rudesse de leurs conditions de travail lors de leur passage au sein de l’agence, à ses débuts jusqu’à nos jours. Beaucoup dénoncent un management « brutal et toxique ». Certains ont même gardé des séquelles de cette étape de leur carrière, qu’ils jugent singulière même pour le milieu ardu de la communication. « On évolue dans un univers très particulier, concède une interlocutrice capée. Mais aucune autre expérience professionnelle ne ressemble à ce qu’il se passe chez Majorelle. »
« Tout ce que tu touches se transforme en merde »
Si depuis 2015 et jusque très récemment, l’agence était codirigée par Sacha Mandel, ex-communicant de Jean-Yves Le Drian et associé à 50 % d’Anne Hommel, c’est en grande partie l’attitude de la célèbre patronne qui est mise en cause par nos témoins. Sans nier son professionnalisme et son sérieux, de nombreuses petites mains assurent qu’il est extrêmement difficile de travailler avec elle. « C’est une femme très charismatique, qui peut être à la fois très sympa et avoir une attitude exécrable », juge une ancienne. Tous dénoncent sa manière brusque de s’adresser à ses équipes et de lancer des piques rabaissantes aux salariés, la plupart du temps en public. Ils rapportent par exemple des punchlines comme : « Tout ce que tu touches se transforme en merde », « j’espère que c’est la dernière fois que je fais ta fiche de paye » ou bien simplement « t’es nul ». « Je recevais des insultes, elle me disait ’c’est de la merde’, ’hallucinant’... », se souvient l’une des recrues. D’anciens collaborateurs font aussi part de ses « accès de colère » et la plupart assurent avoir subi ou assisté à des cris envers les salariés. « Anne Hommel pouvait régler ses comptes en plein milieu de l’open space », affirme une employée désormais partie. « Mais même lorsque ça se passait dans la salle de réunion avec la porte fermée, sa voix portait tellement qu’on pouvait parfois entendre des hurlements depuis nos postes de travail », assure une autre. « Je ne me suis jamais fait gronder comme ça, même par mes parents », décrit une communicante. Là où une autre se rappelle d’une scène hors les murs de l’agence : « Lors d’un événement, Anne m’avait tellement crié dessus qu’un hôte m’a carrément demandé si c’était ma mère. Il n’aurait pas dit que c’était ma patronne. »
Les réunions d’équipe sont des moments particulièrement redoutés par les salariés. « On y fait le point sur les différentes actualités et projets, mais c’est aussi l’heure de la sentence pour ceux qui ont fait des erreurs aux yeux d’Anne ou de Sacha, pris à partie devant les autres. » Les troupes y décrivent une ambiance tendue : « J’arrivais avec la boule au ventre. On savait que quelqu’un allait prendre la soupe du jour. C’est comme une atmosphère orageuse, où on sait qu’à un moment le tonnerre va gronder. » Des conditions de travail source de grande souffrance pour certains. « J’ai pleuré je ne sais combien de fois à l’agence, alors même que j’avais déjà eu des jobs très stressants », se souvient une ancienne salariée. « Ça m’a marqué de voir des collègues en larmes dès le matin », confirme un autre.
« Elle leur parlait comme à des chiens » : les remontrances d’Anne Hommel aux journalistes
Une partie du métier de communicant consiste évidemment à être en lien permanent avec de nombreux journalistes, afin de « placer » tel ou tel client dans un média, où encore d’être informés des sujets en cours sur une personnalité ou une entreprise. Dans ce cadre, Anne Hommel est particulièrement connue pour son imposant carnet d’adresses. « Elle a une aura, elle peut dire ‘je vais appeler le patron de tel journal ou tel organisme et on va en parler’ », se rappelle ainsi un salarié. Mais, interrogée à ce sujet lors du podcast Génération Do It Yourself, la patronne l’assure : « Nous n’avons jamais ni dans l’idée ni dans l’envie de malmener le travail de journaliste : j’ai un immense respect pour [ce] métier. ».
Pourtant, la manière quelque peu particulière que peut avoir la papesse de la com’ de s’adresser aux journalistes a choqué nombre d’employés. « Je l’ai vue faire du chantage aux journalistes, leur parler très mal au téléphone », confie une ex-salariée. Des faits confirmés par beaucoup d’autres anciens. « Je ne savais même pas que c’était possible de faire ça, raconte, toujours abasourdi, un consultant. Je l’ai entendue leur hurler dessus au point de devenir rouge écarlate. Je connais les relations presse, et j’ai appris avec des gens difficiles… mais je n’ai jamais vu ça. » « Elle leur parlait comme à des chiens et ils ne disaient rien, renchérit une ex-collaboratrice. Je les entendais dire ’elle connaît la terre entière, quel pouvoir elle a… ’».
« Putain, réveillez-vous ! »
Si les journées à rallonge et la tension sont monnaie courante dans le milieu de la com’, nos témoins décrivent chez Majorelle des horaires hors normes et une pression inutilement permanente. Ici, les sollicitations peuvent aller de 6 heures du matin jusqu’à plus de minuit. Tous gardent d’ailleurs un souvenir intact de la « boucle Majorelle », ce fil de discussion sur WhatsApp auquel il fallait selon eux être constamment attentif, sous peine de remontrances de la part d’Anne Hommel. « Dès le départ, on m’a fait comprendre qu’il fallait absolument que je réponde aux messages dans cette boucle, quelle que soit l’heure ou le jour », affirme une ex-recrue. La conversation était aussi le lieu de coups de pressions réguliers, où il arrivait à la patronne de finir ses messages par « TTU » pour « très très urgent » ou de nombreux points d’exclamation. Elle pouvait aussi interpeller les équipes d’un « putain, réveillez-vous ! ».

« Si on ne répondait pas immédiatement, on se faisait taper sur les doigts ou on était forcés de s’excuser directement dans la boucle, donc devant tous les salariés de l’agence », affirme une interlocutrice. Résultat : « J’avais le ventre tordu dès que le téléphone vibrait. » « Je craignais même d’aller aux toilettes sans mon téléphone et mon ordinateur, je me réveillais la nuit pour regarder mes messages, j’avais une peur bleue de louper un message ou un mail, poursuit-elle. J’ai gardé ces automatismes depuis, bien après mon départ de Majorelle ». « Dans notre métier, il est classique de devoir parfois gérer des urgences en dehors des heures de bureau, mais il y a une limite, analyse un ex-communicant de la boutique. Chez Majorelle, c’est une habitude de travail. » Selon les salariés interrogés, cette disponibilité « de tous les instants » était aussi attendue le week-end ou en congés : « Anne Hommel disait que pour faire un métier comme le nôtre, le droit à la déconnexion n’existe pas. » « Une fois, durant mes vacances, j’ai eu des dizaines d’appels d’Anne, et elle m’a hurlé dessus alors que j’étais off », relate ainsi une de nos sources.
À en croire les témoignages recueillis, même les arrêts maladies ne font pas exception à la règle. Plusieurs salariés concernés assurent ainsi avoir été sursollicités pendant ces périodes. « J’ai eu un problème de santé, et ça a été l’élément déclencheur : Anne m’envoyait des WhatsApp, des mails, des appels en demandant pourquoi je ne travaillais pas, des détails sur ce que j’avais… C’était violent et menaçant. » Nos témoins expliquent ainsi avoir été sommés de produire des tâches, et culpabilisés par leur patronne. « Elle me disait à quel point elle était déçue de moi, se souvient une ex-petite main, que je me mette en arrêt dans ces conditions, que je les laisse sur le carreau. »
« Il n’y a pas le droit à l’erreur »
Au-delà des sursollicitations, nombreux sont les salariés passés par Majorelle à pointer l’intransigeance de leur ex-patronne, et dénoncer son manque de tolérance face aux erreurs commises, aussi petites soient-elles. « Ça montait très vite : une petite chose pouvait devenir un drame », se souvient l’une d’entre elles. « Il n’y a pas le droit à l’erreur et il n’y a pas forcément d’explication non plus », appuie un ex-employé auprès de l’Informé. « Je n’écrivais jamais assez bien, c’était jamais assez carré, Anne me cassait juste pour me casser », poursuit une autre. « Anne tue votre confiance, vous fait croire que vous n’êtes rien sans elle, que vous ne valez rien, que vous ne savez rien faire, enchaîne une ex. Elle a une emprise psychologique sur vous. »
Les plus jeunes ne sont pas épargnés, qu’ils soient employés, alternants ou stagiaires. « Au bout d’une semaine, je me suis fait crier dessus alors que je venais à peine de commencer, confie une communicante en herbe. Anne me disait que je n’étais pas capable de faire mon travail… Mais elle ne m’avait même pas expliqué ce qu’elle attendait de moi. » Plusieurs employés seniors confirment auprès de l’Informé avoir régulièrement vu de très jeunes collaborateurs être encore plus « secoués » que les autres par Anne Hommel. « Je trouvais ça fou d’être aussi dure et méchante auprès des novices en train de se former, conclut finalement l’une d’entre eux. Quel sens cela a de faire perdre confiance à ce point à autant de personnes ? On peut être très exigeant avec des seniors, mais elle avait des attentes totalement démesurées pour des juniors. » Interrogée sur son comportement lors de sa participation au podcast Génération Do It Yourself, Hommel s’était alors exprimée en ces termes : « Si on veut faire ce métier au niveau où on le fait nous, ça passe par une phase où forcément l’apprentissage n’est pas toujours facile. » La femme d’affaires y décrit ses troupes comme un « petit commando de gens qui ont très envie de faire ce métier ».
Mais cette fine équipe n’a, en réalité, jamais cessé de bouger depuis la création de Majorelle : la quasi-intégralité de nos témoins décrivent un turn-over permanent au sein de l’agence. « C’est au-delà de la norme », insiste un ex-collaborateur. « Je n’ai pas compris pourquoi ils m’ont embauché aussi vite, explique une autre ancienne collègue. Mais j’ai réalisé qu’il y avait un fort turn-over et qu’ils avaient besoin de monde très rapidement. » Les départs sont si fréquents que de nombreux salariés sont encore présentés sur le site de la société alors qu’ils ont quitté l’entreprise, parfois depuis longtemps. Nombreux sont ceux qui attribuent ce mercato permanent à l’ambiance qui règne dans l’agence. « Je suis partie sans avoir de job derrière, à cause des conditions de travail et pour préserver ma santé mentale », appuie une ex-salariée.
« Même pas bonne à travailler chez Zara »
Parmi ceux qui ont démissionné, tous s’accordent à dire que c’est un moment particulièrement douloureux : « Quand quelqu’un décide de quitter l’agence, Anne Hommel le prend très à cœur, comme une trahison personnelle. » Plusieurs expliquent avoir été « culpabilisés » de mettre en difficulté l’agence puis « mis à l’écart » après avoir annoncé leur départ. « À partir de ce moment-là, se rappelle l’un d’entre eux, Anne ne m’a plus jamais adressé la parole. » Un scénario confirmé par une autre : « Quand j’ai commencé à travailler chez Majorelle, j’ai remarqué qu’il y avait une collaboratrice sur le départ à qui personne ne parlait. Et quand je suis partie, j’ai compris que ça fonctionnait comme ça. On m’a à mon tour ignorée, comme si je n’étais pas là. Je ne savais plus où me mettre. »
Le dernier jour d’une démissionnaire a été particulièrement musclé. Ce matin-là, pour marquer le coup, la jeune femme avait apporté des viennoiseries. « Quand Anne Hommel est arrivée, elle a demandé qui les avait emmenés. Un salarié a répondu que c’était moi. Elle a fini par les jeter à la poubelle. » Et ce n’était que le début… « Lors de notre dernière discussion, elle m’a hurlé dessus, m’a dit que je n’étais qu’une merde, que je n’étais même pas bonne à travailler chez Zara. Qu’elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi mauvais de toute sa carrière, et que j’étais son plus grand échec, rapporte la partante. Je ne voulais pas pleurer devant elle : j’ai réussi à partir et à aller jusque dans l’ascenseur. » Quand les portes se ferment, elle s’effondre. La scène a d’ailleurs marqué une de ses collègues, qui l’a confirmée à l’Informé.
« On est avec elle ou contre elle : il n’y a pas de nuance »
Sur le coup, pourtant, personne n’a osé intervenir. « Ça hurle, mais personne ne dit rien : ce n’est pas qu’on cautionne, mais on se dit que ça peut nous tomber dessus si on agit », explique un ancien. L’équipe sait d’autant moins comment se comporter que la patronne cultive une certaine ambivalence : « Parfois elle hurle, puis redevient très sympa d’un coup juste après, on ne sait pas comment s’y retrouver », explique un témoin. Plusieurs mentionnent aussi sa générosité dans les bons moments, avec cadeaux et invitations au restaurant, et son inclination à instaurer une forme de familiarité.
Plusieurs salariés indiquent ainsi à l’Informé avoir été interrogés à de nombreuses reprises par Anne Hommel sur leur vie privée. « C’était important pour elle de flouter les limites entre le professionnel et le personnel », analyse d’entre eux. « Il y a une espèce de mélange des genres dans son management, regrette également une ex-recrue. Elle vous invite chez elle, vous présente ses enfants, parle de sa vie privée… » Beaucoup dénoncent ainsi un véritable « management par l’affect » : « Il faut l’aimer, on est avec elle ou contre elle : il n’y a pas de nuance », souffle une témoin.
Parmi les personnes qui ont accepté de nous répondre, seules deux ont assuré n’avoir observé aucun comportement problématique de la part de la boss : Louise Peraldi, qui décrit la fondatrice comme une « très bonne amie » de sa famille et sa « marraine de cœur », et Clara Devoret, toutes deux anciennes employées de Majorelle. La première reconnaît des « moments tendus », mais « comme dans toutes les entreprises ». « Je n’ai jamais ressenti un sentiment d’attaque ou de malveillance gratuite. Il y a une exigence due au fait que les clients comptent sur nous, et on était accompagnés, poursuit-elle. Anne et Sacha sont très professionnels et m’ont appris énormément de choses. » De son côté, Clara Devoret a passé plus de cinq ans dans la boutique parisienne, entre 2017 et 2023. Plusieurs témoins interrogés par l’Informé assurent qu’elle avait une attitude parfois analogue à celle de sa supérieure. « Elle forçait le trait pour ressembler à Anne », se souvient une ancienne collègue. Interrogée par l’Informé, cette dernière nie avoir eu tout comportement toxique avec les équipes et précise n’avoir jamais eu de statut hiérarchique managérial. Celle qui est désormais directrice de la communication de Mediawan assure également que Majorelle est pour elle « une agence géniale », qui constitue une de ses « plus belles expériences professionnelles ». Et d’ajouter : « Anne est quelqu’un de direct, de profondément gentil, et qui tire les gens vers le haut. »
Selon nos informations, en 2020, Majorelle a fait l’objet d’un signalement à l’inspection du travail pour « harcèlement moral généralisé » et « fraude au chômage partiel ». Le courrier d’alerte adressé à l’organisme dénonce le fait que les salariés « subissent des paroles, SMS, comportements, attitudes qui les mettent en danger » et rapporte qu’en 18 mois, neuf des douze salariés que comptait l’agence à ce moment-là ont démissionné, c’est-à-dire les trois quarts de l’équipe. Quelques mois plus tard, deux agentes de l’inspection du travail ont effectué une visite surprise dans les locaux du 9e arrondissement à Paris, et ont interrogé l’ensemble des équipes présentes. « La visite a permis de constater que tous les dispositifs sociaux, légaux et les process de travail étaient tous conformes aux réglementations, affirme Sacha Mandel. Cette visite s’est donc conclue sans suite. » Une collaboratrice présente regrette toutefois la manière dont l’organisme a organisé les entretiens individuels avec les salariés. « C’était dans le bureau en verre mal insonorisé au centre de l’agence, il fallait chuchoter donc il y avait une crainte collective ». Sacha Mandel précise que les discussions se sont tenues « sous la conduite exclusive » de l’inspection du travail, qui « en a évidemment fixé toutes les conditions » : « Il revenait aux inspectrices de s’assurer de la confidentialité de ces entretiens, ce qui a été fait. »
Sacha Mandel « voit tout, observe tout mais ne dit rien »
Si la majorité des témoignages recueillis par l’Informé visent directement Anne Hommel et ses méthodes de management, les salariés dénoncent dans leur grande majorité la passivité de Sacha Mandel face aux nombreux faits observés. « Il est beaucoup plus dans la maîtrise. Il voit tout, observe tout mais ne dit rien », explique l’une. « Je ne l’ai jamais entendu dire à Anne de se calmer, ou bien intervenir pour apaiser la situation », assure une autre. « Peut-être qu’il ne cautionnait pas… mais il n’a rien fait pour que ça s’arrête », regrette une dernière. Beaucoup jugent cette politique de l’autruche inacceptable. « Je comprends que les autres collaborateurs aient eu peur de parler ou de s’opposer. Mais lui était en position de le faire : il aurait dû intervenir », juge une ancienne salariée.
Interrogé sur l’ensemble de ces points, Sacha Mandel nous a fait parvenir cette réponse écrite : « Je me suis toujours attaché et m’attacherai toujours à respecter et à faire respecter le règlement intérieur, les lois, l’intégrité morale et physique de nos salariés, et mes devoirs d’employeur ». Il rappelle que « parmi ces devoirs est inclus celui du respect absolu du secret professionnel et médical, et de la dignité de chacun dans la conduite de sa vie professionnelle ». « Je ne ferai donc aucun commentaire public sur aucune situation particulière, pour ne livrer aucune information sensible sur la vie d’un salarié, écarte-t-il. C’est une obligation légale et morale, et je m’y astreins. » Aujourd’hui, Sacha Mandel a quitté Majorelle, pour fonder sa propre boutique de communication, Nation Advisors. L’ex-partenaire d’Anne Hommel a pour ce faire débauché plusieurs employés de son ancienne maison : « Tous les salariés à qui j’ai fait la proposition de nous suivre ont choisi de nous suivre, indique-t-il à l’Informé. C’est réjouissant et le fruit d’années d’investissement et d’une grande confiance réciproque. »
« Articles bidonnés » : quand une jeune recrue prend pour le boss
Il y a deux ans, Majorelle avait défrayé la chronique pour ses pratiques dans une affaire de diffamation et de manipulation de l’information, qui impliquait Sacha Mandel. Selon les faits révélés dans Mediapart et Libération, une petite main de l’agence, Joséphine, a dû comparaître devant le tribunal judiciaire de Paris pour des « articles bidonnés » qu’elle avait écrits dans le cadre de ses fonctions. La collaboratrice aurait en effet publié sous pseudo des billets de blog ciblant un homme d’affaires, le milliardaire Éric Lux, pour le compte d’un des clients de Majorelle, son rival Flavio Becca. Toujours selon nos confrères, la jeune communicante avait tout avoué face aux enquêteurs, avant d’assurer qu’elle avait usé de cette méthode à la demande « expresse » et sous la supervision de sa hiérarchie : « M. Mandel relit et valide les billets avant publication ». Cependant, elle se présentait seule à la barre de la 17e chambre du tribunal, sans son patron. Celui-ci avait déclaré lors de son audition qu’il ne connaissait « pas du tout » le pseudonyme utilisé, avant de renvoyer la balle à son « équipe ». Quelques jours avant, il sollicitait pourtant la jeune femme par mail sur ce pseudonyme en particulier.
Interrogé, Sacha Mandel affirme aujourd’hui à l’Informé : « Je vous renvoie à mes déclarations devant les autorités d’enquête. Elles sont sans ambiguïté : j’ai assumé sans exclusive toutes mes responsabilités professionnelles, commerciales et éditoriales. » Il assure avoir « travaillé en toute transparence » avec son ex-subordonnée, qu’il décrit comme un « immense talent de Majorelle », et lui avoir même « permis de prendre conseil auprès de l’avocat de l’entreprise ». Un conseil que la jeune fille a finalement abandonné, au vu de la tournure des événements. Son nouvel avocat, lui, avait provoqué un incident à l’ouverture de son procès, en octobre 2022, pour demander que Sacha Mandel soit également poursuivi dans le cadre de cette affaire : « Ma cliente se retrouve malgré elle au cœur d’un conflit médiatico-judiciaire qui la dépasse. Son seul tort est d’avoir fait confiance à son ancien employeur, aujourd’hui absent. » Questionné par l’Informé, Sacha Mandel assure le regretter : « Je suis profondément désolé que cette situation juridique l’ait plus touchée que moi. » Les échos de l’affaire rapportés dans la presse ont suscité des remous chez les salariés : « Ce qu’il s’est passé avec Joséphine, c’est au-delà de tout. C’est profondément choquant ».
« J’en suis sortie dans un état proche du stress post-traumatique »
Aujourd’hui, de nombreux collaborateurs passés par Majorelle vivent avec des troubles qu’ils lient directement à leur expérience. Certains assurent avoir perdu du poids pendant et après. D’autres indiquent avoir gardé des séquelles psychologiques et la crainte de revivre le même scénario ailleurs : « J’ai la peur permanente d’être en retard, de ne pas pouvoir faire quelque chose correctement, de faire des erreurs », assure par exemple un témoin. Une dernière ajoute : « J’ai de la bile qui remonte quand je pense à cette histoire. Aujourd’hui, c’est une souffrance pour moi que d’approcher des bureaux de Majorelle. »
« J’en suis partie dans un état proche du stress post-traumatique : je ne pouvais quasiment pas sortir de chez moi, j’avais hyper mal au ventre… indique même une ancienne salariée. J’ai mis pas mal de temps à m’en remettre, et en vivant d’autres expériences, je me suis rendu compte que ce que j’avais traversé n’était pas normal », conclut-elle. En apprenant l’existence d’une enquête journalistique sur leur ex-agence, nombre de salariés nous ont d’ailleurs spontanément confié leur désarroi. « Je ne suis plus dans le milieu, ils ne peuvent pas avoir d’impact sur moi. Et pourtant, quand j’ai reçu votre appel, je me suis dit que j’étais en danger », explique l’un d’entre eux. Après avoir témoigné, une autre assurait avoir « mal au ventre en pensant aux répercussions que pourrait avoir cet article ». C’est pourquoi la quasi-totalité de nos interlocuteurs ont requis l’anonymat avant de se livrer.
« Elle a déjà menacé de me griller »
L’influence d’Anne Hommel dans le petit milieu parisien de la communication en inquiète plus d’un. « Elle connaît tout le monde, et nous faisait comprendre qu’on n’était personne », assure une ex-employée. « Elle a déjà menacé de me griller », assure une témoin, confortée par d’autres témoignages. Un signe de son aura ? Peu avant la parution de cet article, la directrice de la communication de France Télévisions, Muriel Attal, nous a joints afin de nous dire tout le bien qu’elle pensait d’Anne Hommel mais aussi de son ancienne protégée Clara Devoret, passée par France Télévisions. « Je n’aurais jamais recommandé des personnes qui me sont chères (ndlr : pour intégrer Majorelle) si je ne connaissais pas la valeur professionnelle et personnelle d’Anne Hommel », nous a assurées la communicante.
Contactée, Anne Hommel n’a jamais répondu à nos sollicitations pour organiser un rendez-vous, ni à notre mail lui détaillant les questions précises que nous souhaitions lui poser.
*Prénom d’emprunt