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Continuer la lectureLes sites pornos Tukif et xHamster débloqués temporairement par la justice
Offre professionnelleIls avaient été sanctionnés pour ne pas contrôler suffisamment l’âge de leurs visiteurs.

La saga continue ! Dans deux arrêts rendus le 7 mai, la cour d’appel de Paris demande à SFR, Orange, Colt Technology, Bouygues Télécom et Free (dont le fondateur est actionnaire de l’Informé) de lever le blocage de Tukif.com (Portugal) et fr.xhamster.com (Chypre). Cette mesure avait été ordonnée aux fournisseurs d’accès, assignés par les associations e-Enfance et la Voix de l’Enfant en août 2021, au motif que ces sites ne mettaient en œuvre aucun dispositif de contrôle de majorité sur leur page d’accueil. Une violation de l’article 227-24 du code pénal, lequel impose aux éditeurs de mettre en place un système bien plus robuste qu’une simple déclaration de majorité. Après un long parcours judiciaire, la justice a décidé de lever temporairement cette mesure, à l’instar de ce qu’elle avait déjà décidé pour Pornhub, Xnxx, Youporn, Xvideos ou encore Redtube, d’autres acteurs majeurs du secteur. Le dossier n’est toutefois pas enterré puisque, dans le même temps, une autre procédure initiée par l’Arcom arrive très bientôt à terme.
C’est une action lancée par les éditeurs tchèques Xnxx et Xvideos devant le Conseil d’État qui est venue mettre des bâtons dans les roues des associations de protection de l’enfance. Le 6 mars 2024, la haute juridiction administrative décidait d’adresser à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une série de questions préjudicielles, afin de jauger la pleine conformité de la régulation française avec le droit de l’UE. En substance, il s’agit de savoir si les règles du code pénal ici en jeu relèvent ou non du « domaine coordonné », au sens du droit européen, à savoir un système de régulation qui doit en principe être réservé au seul pays d’établissement d’un prestataire en ligne. Si tel est le cas, il reviendrait donc à la République tchèque de réguler en priorité les deux acteurs qui y sont installés. La France ne serait pas totalement exclue, mais aurait d’abord l’obligation de respecter des procédures très exigeantes avant de frapper les éditeurs installés dans d’autres États membres. L’arrêt de la CJUE n’est pas attendu avant plusieurs mois, sans doute en 2026.
Retour à la procédure e-Enfance et la Voix de l’Enfant engagée contre les fournisseurs d’accès à internet (FAI). Le 17 octobre 2024, la cour d’appel de Paris avait accueilli l’intervention volontaire de Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideoset Xnxx, qui avaient pu plaider leur cause et même bénéficier d’un premier sursis dans la demande de blocage, en attendant ce futur arrêt européen. Tukif et xHamster, qui étaient restés jusqu’alors sur le banc de touche, n’avaient pas profité du même traitement. Les magistrats ordonnaient en conséquence le blocage de ces deux sites très populaires (Tukif engrangeait jusqu’alors 20 millions de visiteurs français par mois, selon son éditeur et xhamster est classé à la douzième place du classement Similarweb en France, devant Pornhub).

La série n’était pour autant pas terminée. Fin 2024, le portugais et le chypriote ont finalement fait « tierce opposition », une procédure spéciale réservée aux personnes concernées qui n’ont pas été parties à une instance. Les deux sociétés ont fait valoir que la réponse de la CJUE pourrait, pour elles aussi, avoir d’importantes conséquences, quand les associations de protection de l’enfance ont plaidé l’intérêt supérieur de l’enfant. Le 7 mai, par deux arrêts (le premier et le second) la cour d’appel de Paris a finalement donné raison aux deux sites pornographiques, sur l’autel de la « bonne administration de la justice ». La réponse apportée par la CJUE « est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du présent litige, écrivent les magistrats, dans la mesure où le blocage sollicité aurait pour nécessaire effet, si elle(s) souhaite(nt) accéder au marché français, de l(es) contraindre à mettre en place un contrôle autre que déclaratif de la majorité des destinataires de contenus ce que n’impose pas le droit de (leur) pays d’origine ».
Joint par l’Informé, l’éditeur de Tukif se refuse pour autant à fêter sa victoire. « Le trafic a été divisé par huit depuis le blocage ordonné en octobre 2024. Ils ont tué mon site », estime-t-il. Pire, le déblocage des noms de domaine concernés pourrait n’être que de courte durée, en raison de l’adoption en cours de procédure de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler le numérique (SREN). Avec ce texte, le législateur a confié de nouveaux pouvoirs à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui se sont chevauchés avec les procédures judiciaires en cours.

Le 9 octobre 2024, l’autorité administrative a d’abord adopté un référentiel technique sur le contrôle d’âge, décrivant les mesures techniques efficaces que devront respecter les sites notifiés par ses soins. Sur cette base, dans un arrêté publié le 6 mars 2025, 17 sites installés dans d’autres États membres ont été appelés à respecter ces préconisations dans les trois mois. Et, dans le lot, on retrouve Pornhub, Youporn, Redtube, xHamster, Xvideos, XNXX et Tukif. En suivant le calendrier de la loi SREN, à compter du 7 juin 2025, l’autorité pourra les mettre en demeure d’interdire solidement l’accès des mineurs à leur page, et dès juillet infliger aux oublieux des amendes administratives maximales de 250 000 euros ou de 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes (montants portés à 500 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires en cas de récidive dans les cinq ans) ou opter pour l’arme nucléaire du blocage chez les fournisseurs d’accès et du déréférencement dans les moteurs de recherche. Et cette fois, le sursis à exécution décidé par la cour d’appel de Paris n’a pas d’emprise, puisque le cadre est différent.
Néanmoins, Aylo, propriétaire des géants YouPorn, Pornhub et Redtube, a décidé de réagir. L’éditeur, qui a son siège européen à Nicosie (Chypre), a attaqué fin 2024 le référentiel technique de l’Arcom, qu’il estime à la fois contraire au droit européen et disproportionné. Le dossier est toujours en cours. Le 17 avril, la justice administrative a déjà rejeté en référé son autre percée contre les lignes françaises, à savoir sa demande de suspension de l’arrêté du 6 mars dernier, considérant que les conditions de l’urgence n’étaient pas réunies.
Au-delà de cette bataille française, la Commission européenne vient d’ouvrir une vaste consultation sur la protection des mineurs jusqu’au 10 juin, dans le cadre du règlement sur les services numériques. L’enjeu ? Définir une série de lignes directrices, non exhaustives, que les plateformes pourront mettre en œuvre, sans y être contraintes. Parmi elles, Bruxelles identifie déjà « des mesures d’assurance de l’âge qui réduisent les risques d’exposition des enfants à de la pornographie ou à d’autres contenus inappropriés pour l’âge ». Autant d’initiatives qui inspirent Clara Chappaz, la ministre déléguée du numérique, qui ne cache pas son vœu d’exporter le contrôle d’âge des sites pornos aux réseaux sociaux, afin d’en interdire l’accès aux mineurs de moins de 15 ans.
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