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Continuer la lectureCdiscount accusé d’écouler des produits pas aux normes
La fédération du réemploi et de la réparation (RCube) écrit au ministère de l’économie pour l’alerter de plusieurs pratiques constatées sur la marketplace de l’e-commerçant français.

Avec l’explosion des droits de douane aux États-Unis, la crainte d’une déferlante de produits venus d’Asie s’accentue en France. Ce mardi 29 avril, Éric Lombard, ministre de l’économie, Amélie de Montchalin (comptes publics), Véronique Louwagie (commerce) et Clara Chappaz, (numérique), se rendront à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle afin d’annoncer plusieurs mesures pour veiller à la régulation et à la sécurité des plateformes. Hasard du calendrier, une semaine plus tôt, dans un courrier envoyé à la Direction générale des entreprises (DGE), la fédération RCube a déjà dénoncé plusieurs comportements qu’elle qualifie de « frauduleux » chez des vendeurs écoulant quantité d’articles made in China sur des marketplaces. Selon Nadjib Renaï, délégué général de l’organisation, ils ne respecteraient pas les règles du jeu, au détriment des « acteurs vertueux ». À l’index ? Des smartphones et autres produits reconditionnés proposés par plusieurs entreprises enregistrées parfois en Allemagne, en Belgique ou encore à Chypre, qui ont toutes pour point commun de vendre sur Cdiscount. Contactée par l’Informé, la place de marché tricolore annonce avoir déjà pris des mesures conservatoires à l’égard des produits litigieux.
Plusieurs pratiques ont été pointées dans le courrier adressé à la DGE, comme l’absence du marquage « CE » sur certaines batteries ou téléphones. Une lacune qui ne répond « pas aux exigences européennes de conformité et de sécurité pour le consommateur », conclut RCube. Manquerait à l’appel également la connectique USB-C alors que ce port est requis depuis le 28 décembre 2024, parfois encore des informations légales, comme le numéro de TVA, le montant de l’éco-contribution ou celui de la redevance copie privée. La fédération assure avoir mené des contrôles qualité pour identifier des anomalies sur le cycle de vie de la batterie, entre l’information annoncée au consommateur et la réalité des diagnostics menés avec des outils dédiés. RCube soupçonne même des cas de possible fraude à la TVA sur marge, consistant à racheter officiellement des produits déjà mis sur le marché européen, alors qu’ils arrivent directement de pays extra-européens. « Si un produit d’occasion est chinois ou américain, c’est une importation en Europe et il faut lui appliquer une TVA à 20 %, explique Benoît Varin, président de la fédération du réemploi. Lorsqu’il est racheté dans un État membre, on peut lui appliquer une TVA sur marge d’environ 7 %. »
Pour Nadjib Renaï, « l’ensemble de ces comportements, permis par l’intermédiaire des places de marché nuit gravement au secteur français et européen du réemploi industriel, dont les acteurs se retrouvent dépositionnés par le prix, avec des écarts allant jusqu’à 200 euros avec des vendeurs étrangers souvent asiatiques ». Dans son courrier, il en appelle à la DGE pour faire cesser ces pratiques, « sanctionner ces vendeurs ainsi que (...) mieux responsabiliser les places de marché en tant qu’intermédiaires ». « La vente en ligne représente 50 % du business, ajoute Benoît Varin, on se retrouve aujourd’hui face à une vague de produits illégaux qui inondent le marché français et européen entraînant une guerre des prix. » La fédération s’apprête à lancer le 14 mai prochain une « coalition de lutte contre la concurrence déloyale en e-commerce » et envisage une série de campagnes de « name and shame », où les mauvais élèves du secteur seront épinglés nommément.
Contactée, la DGE n’a pas répondu à nos sollicitations, mais Cdiscount nous indique échanger régulièrement avec Recommerce, l’un des membres de RCube, qui lui aurait « récemment partagé une alerte concernant certaines offres de ces vendeurs, tous domiciliés en Union Européenne ». Selon la marketplace, néanmoins, les numéros de TVA mis en cause « sont bien valides sur la plateforme VIES de la Commission Européenne », laquelle met à disposition un système de vérification des numéros de TVA intracommunautaires. L’un des opérateurs était néanmoins déjà fermé avant ces alertes. « Nous avons demandé aux autres de régulariser leur situation, assure l’e commerçant, qui promet de les sanctionner en cas de non-régularisation. Par ailleurs, dans cette attente, nous avons modéré les offres notifiées spécifiquement par Recommerce à titre conservatoire. » Dernier détail, la place de marché assure maintenir « l’accès des vendeurs dont la boutique est fermée au back-office, afin qu’ils puissent assurer leurs obligations légales concernant les garanties produits ».

De son côté, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) refuse de communiquer d’éléments « concernant des entreprises spécifiquement identifiées, celles-ci pouvant faire l’objet de plaintes ou d’enquêtes en cours ». Elle rappelle toutefois avoir mené en 2022 une large investigation auprès de 131 sites d’e-commerce, d’enseignes de vente d’occasion et dans la grande distribution pour constater un taux de 40 % d’anomalies. « Parmi les manquements observés, les enquêteurs ont relevé des non-respects de l’obligation d’information précontractuelle », des clauses abusives dans les contrats de vente mais aussi « des pratiques commerciales déloyales » (PCD) en matière de reconditionnement. Ces PCD consistent pour un professionnel à commercialiser des produits présentés comme « reconditionnés » alors qu’ils n’ont subi aucune action de ce type ni aucun test. De nouveaux contrôles ont été menés en 2024 et sont en cours de consolidation. « Compte tenu de l’expansion continue du commerce en ligne, les places de marché font l’objet d’une surveillance active de nos services ». Quant à l’obligation d’intégrer un port USB Type-C, la DGCCRF « vérifie que le pictogramme qui indique si un dispositif de charge est ou non inclus avec l’équipement radioélectrique est affiché de manière visible et lisible et, en cas de vente à distance, à proximité de l’indication du prix ».
Après parution de l’article, Cdiscount nous a fait parvenir le commentaire suivant : « Pour chaque nouvelle demande d’inscription de vendeur, nous opérons de nombreuses vérifications, à plusieurs niveaux (vérifications administratives par exemple). Plus de 2 000 vendeurs s’inscrivent tous les mois sur notre marketplace, et seulement 20 % environ sont validés et passent les contrôles. Il y a une réglementation très précise que l’on respecte. Nous allons même au-delà de ce que demande la réglementation, avec des contrôles aux différents moments de la vie de nos vendeurs. En cas de suspicion de fraude fiscale, nous demandons au vendeur concerné de fournir les preuves de sa conformité, et comme nous vous le disons, en cas de non-régularisation, nous sanctionnons le vendeur. Et dès que nous avons une alerte sur la conformité des produits, et conformément à nos process, nous agissons en fonction du manquement suspecté et des preuves avancées. Ce qui a été le cas dans le cadre de l’alerte de Recommerce avec des modérations des offres en question effectuées par Cdiscount. »
Article mis à jour à 18h05 avec la réaction de Cdiscount