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Continuer la lectureLa presse de Bayard (La Croix, Notre temps, Phosphore... ) s’enfonce dans le rouge
Les journaux et magazines de l’éditeur catholique ont creusé leur déficit en 2023. Au point qu’il envisage l’arrêt ou la cession de plusieurs titres.

Pour les journaux catholiques aussi, les temps sont durs. Selon nos informations, les activités presse du groupe Bayard, éditeur du quotidien la Croix, du magazine Pèlerin ou encore de Notre Temps, ont enregistré une perte de 3,99 millions d’euros en 2023. Le déficit s’est creusé de près de 50 % par rapport à l’exercice précédent, déjà dans le rouge avec 2,68 millions d’euros de pertes. La direction a mis en place un plan de retour à l’équilibre pour 2026 et des réflexions sont en cours sur l’avenir de plusieurs titres. « L’envolée du coût du papier ainsi que celui de l’énergie mais aussi le recul de la diffusion expliquent ces mauvais chiffres », décrypte un salarié.
Il faut dire que le vaisseau amiral, le quotidien national la Croix, pâtit d’une double crise. Comme ses concurrents, il est confronté à un désamour des lecteurs pour la presse papier. Mais lui subit, en outre, un recul de la pratique religieuse dans la société française. Essentiellement lu par les abonnés (plus de 46 000 exemplaires), ce titre ne s’écoule plus qu’à 1803 copies en kiosque chaque jour, selon les dernières données de l’ACPM. Le lancement de l’hebdomadaire opéré en 2019 pour rajeunir le lectorat vieillissant n’a toujours pas porté ses fruits. Mais c’est surtout le passage au numérique qui pose problème : difficile d’habiller Pierre sans déshabiller Paul, à savoir mettre le paquet sur le web pour attirer les jeunes tout en maintenant une offre papier à laquelle sont attachés les lecteurs de Bayard, très âgés.
« Le groupe a l’obsession du chaînage, précise une source interne. L’objectif a toujours été d’accompagner un lecteur toute sa vie : au fil de l’enfance avec Popi, puis Astrapi et Okapi puis à l’adolescence avec le magazine Phosphore jusqu’à la vie d’adulte avec la Croix et enfin Notre Temps à l’heure de la retraite. » Sauf que cette belle mécanique s’est grippée, les adolescents préférant les réseaux sociaux et les smartphones au papier. « Le magazine Phosphore est sur la sellette mais il est encore possible de le sauver en le faisant évoluer, indique un proche du dossier. Après tout, le Monde de la Bible devait s’arrêter et il a finalement été relancé. » D’autres décisions doivent être prises d’ici au printemps et concernent l’avenir de toute la gamme de publication en langue anglaise (I love English, I love English Kids, I love English Worlds).
Par souci d’économie, le groupe a déjà cessé la parution en 2023 du mensuel Panorama et du bimensuel la Documentation Catholique. Il vient également d’annoncer son intention de vendre son pôle Nature et Territoires, propriétaire avec l’éditeur Milan des titres Terre Sauvage, Alpes Magazine, Pyrénées Magazine, et Bretagne Magazine. Ce dernier devrait être repris par le Télégramme, une nouvelle communiquée mardi aux élus lors d’un Comité social et économique. Des négociations sont également en cours pour une cession de Terre Sauvage à Jean-Sébastien Decaux, directeur général de la holding JCDecaux. Contactée, la société n’a pas souhaité faire de commentaires.
Et ce n’est pas tout. Afin atteindre l’équilibre en 2026, la direction compte également faire des économies sur le loyer et les charges lors du déménagement des équipes à Malakoff prévu pour janvier 2025. Grâce à une réduction drastique des surfaces de moitié - les locaux comprendront 8000 mètres carrés contre 16 000 actuellement à Montrouge - le gain financier serait de 3 à 4 millions d’euros par an, comme l’a révélé la Lettre. Mais ce projet va nécessiter le développement du flex office (les salariés n’auront plus de bureau dédié). Un accord sur l’organisation du travail est en négociation mais se heurte à des craintes notamment sur l’impact du télétravail.
En attendant, le groupe Bayard peut compter sur son activité Éditions (Petit Ours Brun, Mortelle Adèle, Toto, SamSam…) pour compenser les déboires de ses journaux. Malgré un recul en 2023, elle a continué d’assurer le gros de sa rentabilité opérationnelle et permis au groupe de dégager un léger bénéfice de 103 000 euros sur l’exercice clos fin juin avec un chiffre d’affaires de 338 millions d’euros (en baisse de 4 %). « Nous sommes sauvés une nouvelle fois par Petit Ours Brun », résume une journaliste.