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Continuer la lectureLa bataille sans fin de Christian Clavier pour payer moins d’impôts sur sa villa corse
Depuis 9 ans, l’acteur ferraille avec Bercy pour ne pas être taxé sur la plus-value de 4,1 millions d’euros qu’il a encaissée en vendant sa maison de Porto-Vecchio.

Sylvie Testud et Didier Bourdon en tête d’affiche, une intrigue centrée sur les cocasses tests ADN de deux familles bourgeoises françaises… Attendu au cinéma en février prochain, le film Cocorico coche toutes les cases de la comédie franchouillarde promise à un bel avenir. Et pour sécuriser encore un peu plus son projet, son réalisateur Julien Hervé a misé sur un poids lourd du box-office tricolore : Christian Clavier. Carton attendu. Il y a pourtant un rôle dans lequel on l’attend toujours et où il excellerait sans aucun doute : c’est celui d’Astérix en Corse contre le fisc. Depuis une bonne dizaine d’années, l’acteur de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? mène en effet une guerre judiciaire sans merci à Bercy. La dernière bataille lui a même été favorable.
C’est en septembre 2012 que commence le film. Lorsque le comédien met en vente sa fameuse villa corse. Idéalement située dans le lotissement privé Punta d’Oro à Porto-Vecchio, la bâtisse avait défrayé la chronique en 2008. Des nationalistes corses s’étaient alors introduits dans le jardin pour protester contre la spéculation immobilière. Pas de quoi effrayer les acheteurs puisque Clavier cède la bâtisse pour 8,5 millions d’euros, réalisant ainsi une jolie plus-value de 4,1 millions d’euros. En toute logique, il doit alors s’acquitter de l’impôt sur les plus-values des résidences secondaires. Selon nos calculs, ce montant pourrait atteindre 1,3 million d’euros environ, en fonction de l’année d’achat. Cette culbute doit aussi être soumise à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle l’acteur est assujetti. Sauf que le comédien ne l’entend pas de cette oreille. Selon lui, il remplit les deux conditions lui permettant d’être exonéré de cet impôt sur les plus-values : d’abord, il n’était plus résident fiscal français mais britannique au moment de la cession. Ensuite, il avait bien la libre disposition de ce logement, c’est-à-dire qu’il ne l’avait pas loué.
Le fisc balaye ces arguments et inflige à la star un redressement fiscal en 2014. Sur le point de la domiciliation fiscale, les limiers de Bercy constatent certes que Christian Clavier a vendu son appartement parisien boulevard Raspail et acquis une maison à Londres en juin 2012. Sauf qu’ils relèvent également que Clavier a transporté les deux tiers de ses biens vers un autre appartement… parisien, loué par sa société britannique Farce Ltd. Aussi, ils exhument des factures internet Numericable mettant en avant des consommations « non négligeables » jusqu’en 2013 à cette nouvelle adresse française. Autre indice que l’acteur ne vivait pas vraiment à Londres depuis juin, le fisc a retrouvé de nombreuses dépenses en carte bleue à son nom réalisées cet été-là dans les supermarchés de Porto-Vecchio. Pour l’administration, Clavier ne remplit pas non plus la seconde condition, celle de la libre disposition du bien : il l’a en effet loué la villa du 27 juillet au 11 août via l’agence Sotheby’s, empochant 45 000 euros de loyers.

Le tribunal administratif de Paris en 2020 puis la Cour administrative d’appel en 2022 ont validé ce redressement fiscal. Le Conseil d’État vient toutefois de remettre une pièce dans la machine en donnant en partie raison à Clavier. Les magistrats du Palais Royal demandent à leurs collègues de la cour d’appel de revoir leur copie sur le point de la libre disposition du logement. La rapporteure publique a notamment estimé que « lorsque la mise en location demeure négligeable, il […] paraît possible d’en faire abstraction, et […] il […] semble que l’exonération ne devrait pas être compromise ». La plus haute juridiction administrative a même condamné l’État à verser 2 000 euros à Clavier en réparation de cette erreur de droit. L’affaire est donc loin d’être terminée. À noter que depuis 2018, Christian Clavier s’est officiellement installé… en Belgique. Emmanuel Macron doit le décorer de la Légion d’honneur le 11 décembre.
Contacté, le conseil de l’acteur Nicolas Schakowskoy a indiqué à l’Informé que l’affaire « a un déroulé « normal » dans son traitement », et note que « le Conseil d’État, dans cette affaire, a fait évoluer la jurisprudence. Aussi, cette décision sera sans doute commentée par les professionnels et observateurs. »