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Continuer la lectureJacquie et Michel passe sous pavillon américain
Le géant du porno français et sa galaxie de sites seront désormais gérés depuis une société du Delaware.

Faudra-t-il bientôt les appeler Jackie and Michael ? Après 25 ans de gestion familiale, le grand nom français du X créé en 1999 par Michel Piron vient de changer de mains : il sera désormais placé sous la coupe de JetM Technology Solutions Limited Liability Company (LLC), une société créée le 31 octobre dernier aux États-Unis. Derrière cette structure ? « Un fonds américain actif dans l’industrie du divertissement, mais pas exclusivement dans le secteur pour adultes, qui préfère ne pas communiquer davantage », assurent les fondateurs de J&M. L’acquéreur - qui protège âprement son anonymat - a non seulement racheté la marque « Jacquie et Michel » (J&M), mais également l’ensemble des sites associés (Jacquie et Michel TV, Jacquie et Michel Elite, Jacquie et Michel Store, etc.). Ces biens (incorporels) seront désormais gérés depuis le Delaware. Un État américain connu pour sa législation fiscale très bienveillante, qui héberge le siège social de plus de 2 millions de structures, dont près de 70 % des entreprises du classement Fortune 500 et 1,5 million de sociétés à responsabilité limitée. Aux manettes de JetM, un américain, Kevin Mellow, a été nommé directeur de la publication.

Les différents sites de la galaxie J&M vont progressivement s’internationaliser pour être redistribués entre les nouvelles équipes, selon les compétences géographiques et opérationnelles. Le processus achevé, certaines plateformes seront pilotées depuis les États-Unis, d’autres depuis le Canada, Chypre ou encore la Hongrie. Dans le même temps, ARES, l’ancien propriétaire du site a fermé ses bureaux en France. Une quinzaine d’employés ont rejoint la nouvelle entité américaine, quand près d’une dizaine ont préféré opter pour un licenciement économique. Le montant de la transaction est inconnu, mais le spécialiste du X affichait en 2022 un chiffre d’affaires de près de 8 millions d’euros et les trois actionnaires (le couple Michel et Araceli Piron et leur fils, Thibault) ont pu se verser 5,2 millions d’euros cumulés de dividendes ces deux dernières années. En coulisses, les formalités auprès de l’Institut national de la propriété industrielle sont en cours. Les données administratives derrière l’ensemble des noms de domaine ont été mises à jour début décembre.

Une source interne assure que cette cession n’a aucun lien avec le récent changement législatif en France. Depuis la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est en capacité d’infliger de lourdes amendes ou d’ordonner le blocage chez les fournisseurs d’accès des sites pour adultes démunis de contrôle d’âge. Ce régime s’applique directement aux plateformes pornos installées en France, mais également à celles enregistrées hors Union européenne. L’autorité peut même prendre de telles mesures à l’encontre des sites basés dans un autre État membre, à condition cependant de respecter une procédure spécifique, passant par un système de notifications préalables du pays concerné et de la Commission européenne. Les portails Jacquie et Michel utilisaient cependant déjà le système de protection des mineurs My18Pass et avaient signé un partenariat avec Yoti, une solution technologique permettant de vérifier l’âge des utilisateurs. Ils devraient maintenir les dispositifs de contrôle d’accès.
L’avenir judiciaire de Michel Piron s’éclaircit
Suite à une enquête ouverte en 2020, le fondateur de Jacquie et Michel avait été mis en examen à l’issue de 72 heures de garde à vue pour complicité de viol et traite d’être humain en bande organisée lors d’un tournage à destination du site pornographique. À l’origine de cette procédure, les signalements de trois associations (Osez le féminisme, Les Effronté-es et le Mouvement du nid). Mi-novembre, Michel Piron a finalement bénéficié d’une « démise en examen ». Une telle décision, prise par les juges d’instruction, lui octroie désormais le statut de témoin assisté. Elle survient lorsque des éléments nouveaux fragilisent les indices graves et concordants qui pesaient jusqu’alors. L’intéressé a toujours contesté les faits. Il avait même adressé un droit de réponse au Haut Conseil à l’Égalité (HCE), suite à la publication du rapport contre la « pornocriminalité », qui le mettait en cause. Un document corédigé notamment par Céline Piques, l’une des membres d’Osez le féminisme et Claire Quidet, présidente de l’association Mouvement du Nid. Il réfutait avoir incité quiconque « à réaliser des scènes sexuelles sans le consentement des actrices, l‘acte sexuel n‘ayant strictement aucune importance pour la diffusion des films de sa société puisque seuls comptaient l‘ambiance, le scénario de départ et la bonne réalisation technique ». ARES et le fondateur de Jacquie et Michel ont même attaqué le HCE devant le tribunal administratif de Paris pour violation de la présomption d’innocence, mettant en cause aussi l’impartialité du HCE. L’affaire est toujours en cours.