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Continuer la lectureDrogue du zombie : nouvelle procédure de sanction engagée contre Cyril Hanouna
Une séquence diffusée sur C8 montrait les prétendus effets de la drogue du zombie sur des consommateurs à Rouen, alors qu’il s’agissait en réalité de personnes handicapées. Cette procédure arrive avant l’audition de l’animateur par les députés cette semaine.

Mise à jour le 12 juin : l’Arcom a finalement infligé une amende de 50 000 euros à C8 suite à cette séquence.
Moment de vérité pour Cyril Hanouna. L’animateur star de C8 va être auditionné sous serment ce jeudi 14 mars par la Commission d’enquête parlementaire sur le renouvellement des fréquences TNT (télévision numérique terrestre) prévu en 2025. Un moment risqué pour la chaîne, tant le trublion est coutumier des embardées. À coup sûr, les députés ne manqueront d’ailleurs pas de revenir sur les multiples dérapages survenus à l’antenne… Et pourront ajouter un tout dernier écart à leur liste. Selon nos informations, le gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, vient d’engager une procédure de sanction suite à une séquence diffusée le 12 septembre 2023 au soir, dans l’émission Paf avec Baba. À l’époque, Cyril Hanouna lançait ainsi les images : « je vais vous parler de la drogue du zombie. Deux vidéos ont récemment fait le buzz sur X, anciennement Twitter, où l’on voit plusieurs personnes dans les rues de Rouen, en pleine France, se comporter comme des zombies. Ils auraient, selon les auteurs de la vidéo, consommé du xylazine ». Sur le plateau, la chroniqueuse Valérie Benaïm, présentée comme une « spécialiste du sujet », ajoutait : « On sait que la drogue est arrivée sur le territoire français. Pour l’instant, on ne souffre pas encore de morts par overdose. Et ils essaient de trouver des anticorps (sic), des antidotes. »
Sauf que tout est faux. La nouvelle provenait du compte sur X (anciennement Twitter) Cerfia. Lorsque Cyril Hanouna relaie cette fake news, plusieurs médias comme Libération ou France 3 l’ont déjà « débunkée », et la préfecture l’a démentie. Après la diffusion, l’Arcom est immédiatement saisie de cette affaire. L’animateur tente très vite de rattraper ce faux pas. Dès le lendemain de l’émission, il fait amende honorable : « je vais revenir sur une image que l’on a diffusé hier (...) Deux personnes n’étaient pas concernées par ce phénomène. Ce serait deux personnes en situation de handicap, explique-t-il. L’information n’est pas une fake news, puisque la drogue du zombie existe bel et bien (...) L’information est bonne, mais pas l’illustration. On est désolé pour ces deux personnes auprès de qui nous nous excusons, ainsi que la ville de Rouen. » Mais le régulateur estime que la chaîne du groupe Canal+ pourrait avoir manqué à deux obligations : le respect des droits de la personne, ainsi que l’honnêteté et la rigueur dans la présentation et le traitement de l’information.

Et les ennuis de l’agitateur du PAF ne s’arrêtent pas là. Selon nos informations, l’Arcom étudie actuellement les suites à donner à au moins deux autres séquences de TPMP. D’abord, le 29 septembre dernier, Cyril Hanouna a repris une autre fake news qui prétendait qu’un collège de Pau avait mis des salles de prières à disposition de ses élèves musulmans. La nouvelle avait été publiée deux jours plus tôt par le magazine Valeurs actuelles. Mais, avant la diffusion de TPMP, elle avait été démentie par le rectorat dans Sud-Ouest et la Nouvelle république des Pyrénées. Pourtant, Cyril Hanouna a assuré dans son émission : « Jacques Cardoze a travaillé sur le dossier. L’info est vraie… Valeurs actuelles a donné une info qui est bonne. ».
Ensuite, le 16 janvier dernier, le médecin Gérard Delépine s’est lancé dans une diatribe antivax : « le soi-disant vaccin Covid n’a jamais été un vaccin et a fait des dégâts… Il était extrêmement toxique et n’a jamais sauvé personne… . » Notons que, précédemment, plusieurs déclarations antivax avaient déjà été tenues dans TPMP sans provoquer d’intervention de l’Arcom. On les devait à Gérard Delépine (« toute cette crise a été montée pour vendre 15 milliards de vaccins, et aussi pour mettre la tyrannie en place. Pour vendre des vaccins, on nous raconte que la chloroquine est un produit extrêmement dangereux qui tue »), Fabrice di Vizio (« On est en train de bidonner les chiffres de réanimation »… « il y a une augmentation brutale de la mortalité dans les pays ultra-majoritairement vaccinés »), ou Christian Perrone ( « Ce vaccin n’est pas un vaccin, c’est un produit expérimental, qui est en train d’augmenter l’épidémie. On fait peur aux gens pour leur imposer une dictature »).
Sur le terrain des fake news, l’Arcom a toutefois déjà rappelé Cyril Hanouna à l’ordre. À plusieurs reprises. En 2019, TPMP présente une photo du père d’une victime de Marc Dutroux à la place de l’ex-mari d’Ophélie Winter, ce qui lui vaut un courrier courroucé du régulateur. En 2020, Cyril Hanouna reçoit une autre lettre après avoir annoncé un faux calendrier de déconfinement. En 2022, la principale suspecte dans le meurtre de Lola est qualifiée de « coupable », ce qui entraîne une mise en demeure. En 2023, l’animateur présente comme membres de la Brav-M des policiers qui n’en sont pas, et écope d’une mise en garde. La même année, une mise en demeure est infligée suite aux propos de Gérard Fauré sur l’adrénochrome, soi-disant issue de sang d’enfants kidnappés et sacrifiés.
Au total, depuis 2012, les émissions de Cyril Hanouna ont déjà été rappelées à l’ordre 40 fois. Dans le détail, on dénombre douze courriers, neuf mises en garde, neuf mises en demeure, et dix sanctions, dont huit amendes d’un montant total de 7,5 millions d’euros [1]. TPMP détient donc le triste record d’émission la plus délinquante du PAF…
Un premier pic de rappels à l’ordre avait été atteint en 2016. Le régulateur avait épinglé pas moins de six séquences, et avait suspendu la publicité pendant trois semaines, puis de nombreux annonceurs avaient retiré leurs spots. Cette sévérité semble avoir été temporairement suivie d’effet : l’Arcom a été ensuite beaucoup moins sollicitée… Avant que les dérapages ne repartent à la hausse ces dernières années : neuf séquences ont été pointées par le gendarme de l’audiovisuel en 2022, puis sept en 2023. Malgré des rappels à l’ordre de plus en plus nombreux, les séquences problématiques restent donc fréquentes.
D’ailleurs, ces dérapages sont assumés par Maxime Saada. Fin février, le président du directoire de Canal+ a défendu son animateur vedette devant la Commission d’enquête parlementaire sur la TNT. « Ce qui fait le succès de Cyril Hanouna, qui rassemble à peu près 2 millions de téléspectateurs tous les jours, c’est sa nature, sa spontanéité, son naturel, son franc-parler. Et ça peut donner lieu, quand on est en direct, à des débordements. C’est un risque que nous prenons, et que nous assumons pleinement. » Le dirigeant de Canal+ a précisé : « lorsque nous n’avons pas respecté nos obligations, nous avons accepté les rares sanctions. » En réalité, le groupe les a quasiment toutes contestées devant le Conseil d’État (instance d’appel de l’Arcom), et même parfois jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais la filiale de Vivendi n’a réussi qu’à faire annuler qu’une seule amende, infligée suite à un canular en caméra cachée fait à Matthieu Delormeau.
Contacté, le groupe Canal+ n’a pas répondu.
Nouvelle procédure de sanction contre CNews
L’autre chaîne détenue par le groupe Canal+, CNews, est elle aussi dans le collimateur de l’Arcom. Le gendarme de l’audiovisuel a annoncé ouvrir une nouvelle procédure de sanction suite aux propos anti-avortement tenus dans l’émission religieuse En quête d’esprit.
Mais, selon nos informations, il vient en outre d’ouvrir une seconde procédure contre trois déclarations faites en septembre et octobre 2023 suite à la guerre entre Israël et le Hamas. Il s’agirait de propos de Geoffroy Lejeune, d’Arno Klarsfeld, et aussi d’Eric Zemmour qui avait affirmé : « l’islam n’est pas compatible avec la République et la France ». Le régulateur se demande si ces déclarations ne constituent pas des incitations à la haine et aux comportements discriminatoires, ce qui est interdit par la convention de la chaîne d’information.
Depuis sa naissance en 2016, le canal contrôlé par Vincent Bolloré a déjà écopé de quinze lettres, onze mises en garde, huit mises en demeure et trois amendes d’un montant total de 250 001 euros.
Mise à jour : l’Arcom a finalement infligé une amende de 50 000 euros suite aux propos tenus par Geoffroy Lejeune sur l’antisémitisme comme « conséquences de l’immigration arabo-musulmane » tenus dans « L’Heure des Pros 2 » du 28 septembre 2023

C8 risque-t-elle de perdre sa fréquence ?
L’Arcom vient de lancer un appel à candidatures pour le renouvellement des fréquences des quinze chaînes TNT qui arrivent à échéance en 2025. Elle choisira les heureux élus d’ici la fin de l’année. Tous les acteurs actuels (TMC, W9, C8, CNews, NRJ 12…) ont annoncé postuler à leur propre succession. Et le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre a rappelé, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes médias, que la jurisprudence passée du régulateur (qui porte essentiellement sur le renouvellement de fréquences radio) était en général de reconduire les sortants.
En pratique, l’autorité doit choisir à quelles postulant accorder les fréquences selon des paramètres inscrits dans la loi, qui fixe trois critères « prioritaires » : le pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des propriétaires de chaînes, et la nécessité d’éviter les pratiques anticoncurrentielles. Pour les candidats au renouvellement, le respect des obligations au cours de l’autorisation précédente est un des critères, mais pas prioritaire [2].
L’Arcom a d’ores et déjà publié des documents préparatoires à l’appel à candidatures : une consultation publique puis une étude d’impact. Ces textes détaillent les résultats économiques et d’audience des chaînes sortantes, mais n’abordent pas la question des sanctions infligées, et ne dressent aucun bilan en la matière.
Toutefois, la précédente ministre de la culture, Rima Abdul Malak, interrogée il y a un an au micro de France Inter, avait estimé que le track record des candidats devait peser dans le renouvellement des fréquences : « C8 a bien des obligations à respecter… C’est le rôle de l’Arcom, au moment de faire le bilan de ses obligations, de vérifier qu’elles ont bien été respectées, pour pouvoir ensuite évaluer si la reconduction de cette fréquence est justifiée ou pas… Il y a déjà eu une vingtaine d’interventions de l’Arcom depuis 2019 pour C8 et CNews. Au bout de combien d’interventions, on estime que les obligations ne sont pas respectées ? C’est le rôle de l’Arcom de le dire. » Ces déclarations avaient suscité une vague de protestations dans tous les médias contrôlés par Vincent Bolloré, qui les avaient jugées comme des menaces déguisées…
[1] l’Arcom inflige des rappels à l’ordre de manière graduée : lettre simple, puis courrier ferme, puis mise en garde, puis mise en demeure, et enfin sanction, qui peut être une amende allant jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires (5 % en cas de récidive), la suspension de la publicité pour un mois ou plus, la suspension de l’émission, la suspension de la chaîne, une réduction allant jusqu’à un an de la durée de l’autorisation d’émettre de C8… Lorsque le régulateur décide d’engager une procédure de sanction, il confie l’instruction de la procédure à un rapporteur indépendant, le conseiller d’État Bertrand Dacosta, qui instruit l’affaire, puis rend un rapport avec ses recommandations sur les suites à donner. Finalement, l’Arcom décide de suivre ou pas ses recommandations, et inflige (ou pas) une sanction.
[2] selon la loi, dans le cas d’une demande de renouvellement, « l’Arcom tient compte du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1 ». Cet alinéa stipule : « l’Arcom garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent.... L’Arcom veille à ce que la diversité de la société française soit représentée dans les programmes, et que cette représentation soit exempte de préjugés. L’Arcom s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des chaînes et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes ».