L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureChristophe Dechavanne : les coulisses d’une fin de règne
L’animateur a coupé quasiment tous les ponts avec Coyote, la célèbre société de production qu’il avait fondée en 1989 pour produire ses émissions phares.

C’est une page importante du PAF qui vient de se tourner en toute discrétion. Christophe Dechavanne s’est quasiment désengagé de Coyote, la société de production qu’il avait créée en 1989, à l’origine de ses fameuses émissions (Coucou c’est nous, Ciel mon mardi…) mais aussi d’autres programmes célèbres comme Combien ça coûte. Selon nos informations, l’actuel comparse de Léa Salamé dans Quelle époque ! ne détient plus aujourd’hui que 4 % du capital de la structure, après en avoir vendu 51 % au producteur de films d’entreprise Sixtine en 2021, puis 45 % fin 2023. Parallèlement, il a démissionné de son poste de président, plus tôt que prévu. En effet, ses accords avec Sixtine prévoyaient qu’il conserve ses actions et reste président jusqu’au 1er juillet 2026, moyennant une rémunération de 1 500 euros par mois, selon nos informations. « Vu que la passation avec Sixtine se passait bien, nous avons décidé d’un commun accord de faire cela fin 2023 », explique à l’Informé le président de Sixtine Jonathan Fenet.
Coyote est toutefois bien loin de son lustre d’antan. Certes, « après être tombée dans le rouge en 2020 et 2021 à cause du covid, (la société) est revenue à l’équilibre récemment » selon Jonathan Fenet. Mais son chiffre d’affaires, qui s’élevait à une vingtaine de millions d’euros jusqu’en 2019 (et même 32 millions en 2013), a chuté à 7 millions d’euros entre 2021 et 2023, selon nos informations. L’explication est simple : le groupe TF1 a arrêté la plupart de ses commandes, notamment la quotidienne Bienvenue chez nous, stoppée en octobre 2020 après huit ans de diffusion. De son côté, M6 n’a jamais été un client et ne le sera sans doute pas de sitôt : en 2021, Coyote avait attaqué - en vain - la Six pour « parasitisme » au sujet d’un programme de téléréalité. Heureusement pour la boîte de prod’, elle a décroché une poignée de commandes auprès de France Télévisions (voir encadré), et ce, malgré les rapports tumultueux entretenus par Christophe Dechavanne avec Diego Buñuel, directeur des programmes du service public de 2020 à 2022. Le présentateur s’était fâché avec lui en 2014, et l’avait aussi attaqué en justice.
C8 a également sauvé la mise de Coyote en lui achetant plusieurs émissions (voir encadré). Si ces commandes sont aujourd’hui menacées par l’arrêt programmé de la chaîne du groupe Canal+, elles ne devraient toutefois pas pâtir du clash intervenu il y a sept mois entre Cyril Hanouna et l’ex-vedette de TF1. « Il n’a eu aucun impact sur les commandes du groupe Canal+ qui continuent de progresser », assure Jonathan Fenet. Pour mémoire, le 24 février dernier, Cyril Hanouna a déclaré dans son émission Touche pas à mon poste : « Tout le monde me dit que Dechavanne me chie dessus toute la journée, alors que c’est moi qui suis venu le chercher pour [animer] A prendre ou à laisser [en 2021 sur C8], que je lui ai donné sa chance… Il n’y a pas une interview où il m’a remercié. » Le trublion du PAF a même invité ce jour-là une ancienne compagne de Christophe Dechavanne, Ness, qui assurait, en s’adressant à Cyril Hanouna : « il ne peut pas vous saquer. Il trouve que votre émission n’a aucun intérêt. Il vous regarde, mais pour dire du mal. [Sa fille] Ninon devait travailler avec vous et ça l’ulcérait. Selon lui, votre tenue vestimentaire vous donne l’air d’un clown. Il vous appelle ‘le Pakistanais’. »
Avant de pouvoir se désengager de Coyote, Christophe Dechavanne a longtemps cherché un repreneur. Il a d’abord pensé à Stéphane Courbit, qu’il connaît bien. Le patron fondateur de Banijay avait démarré en 1990 comme stagiaire chez Coyote, puis lui avait proposé de racheter la structure. « Il y a 35 ans, j’ai fait l’erreur de ne pas avoir accepté de vendre ma société à Courbit qui me proposait 125 millions de francs », a même regretté récemment l’ex- présentateur de Coucou c’est nous. Au printemps 2017, l’animateur a annoncé à ses équipes être entré, cette fois, en négociations avancées avec le pape de la téléréalité. La déclaration a même fuité dans Challenges. Mais le deal n’aboutira pas, pour des raisons jamais explicitées.
Un récent jugement consulté par l’Informé laisse toutefois entrevoir une piste, en même temps qu’il lève le voile sur la dégradation du climat social au sein de l’entreprise. Il concerne Mathieu Letellier, recruté en novembre 2017 comme directeur général adjoint de Coyote en charge des productions. Il remplaçait en partie Fabrice Bonanno, le n° 2 historique, parti quelques mois plus tôt. Mais la mayonnaise n’a pas pris, et dès juillet 2018, Christophe Dechavanne l’a licencié. Contestant son éviction en justice, il a expliqué aux juges que c’est Banijay qui avait renoncé à racheter la société de Dechavanne après les résultats « catastrophiques » d’un audit administratif et financier de Coyote. Contacté, l’entourage de Christophe Dechavanne dément cette explication.
Devant les prud’hommes, Mathieu Letellier a aussi expliqué qu’une dizaine de salariés avaient été licenciés pour motif économique suite à l’échec de ce deal et qu’il avait en réalité été remercié lui aussi pour réduire les coûts, et non pour le motif officiellement invoqué, à savoir « insuffisance professionnelle ». Mais la justice l’a débouté en première instance en 2020, puis en appel en mars dernier.
Rémunéré 10 000 euros bruts par mois, il avait obtenu 30 644 euros d’indemnités de licenciement, mais réclamait un peu plus de 247 000 euros supplémentaires notamment pour « travail dissimulé » et « licenciement brutal et vexatoire », qui « n’avait pour seule finalité que de l’humilier ». Il affirmait avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires pour lesquelles il aurait dû être rémunéré. Il assurait que Coyote avait décidé de le licencier parce qu’il aurait « attiré, à plusieurs reprises, l’attention de sa hiérarchie sur des pratiques insatisfaisantes, notamment l’existence de postes de dépenses anormalement élevés sur certaines productions, ce qui a manifestement déplu à la directrice générale adjointe [Laetitia Lamic] et au président [Christophe Dechavanne] ». Il ajoutait avoir « bénéficié d’une autonomie très relative, et n’avoir jamais participé effectivement à la direction de l’entreprise. Il devait rendre des comptes selon un calendrier fixé et communiqué » par Christophe Dechavanne.

La société de production expliquait de son côté que l’ancien directeur adjoint aurait multiplié les manquements et fait preuve d’un « manque d’implication, de sérieux et de travail » qui se serait traduit par d’importantes répercussions financières, mettant en cause « la pérennité même de Coyote ». Elle pointait les « oublis ou approximations répétées » de Mathieu Letellier, ainsi que ses « pratiques de négociation discutables » auprès de différents prestataires et clients, qui auraient nui à l’image de l’entreprise. Elle soulignait également son absence de maîtrise des dossiers, « alors même que la société ne produisait que cinq marques d’émission pour le compte de deux ou trois diffuseurs ». Dans sa lettre de licenciement longue de plusieurs pages, Christophe Dechavanne concluait : « votre désinvolture, voire votre laxisme, s’est confirmé, suscitant les nombreuses réactions légitimes exaspérées de ma part. »
Les accusations de Mathieu Letellier, même si elles n’ont pas prospéré en justice, font écho à une enquête publiée dans l’Obs en février dernier, où l’ex-animateur de Ciel mon mardi apparaît comme un patron odieux, colérique et voulant tout contrôler. Suite à cela, l’animateur a dû se défendre. « Il n’y a pas de plainte nulle part pour l’instant. S’il y avait du harcèlement moral ou [sexuel], ça se saurait. En 35 ans, six prud’hommes sur 9 000 collaborateurs, dont seulement un perdu pour des raisons techniques de date », a-t-il déclaré dans Quotidien. Mais dans d’autres interviews, il admet être « intransigeant », « maniaque » et « control freak ».
Contactés, Christophe Dechavanne, Mathieu Letellier et son avocat Jean-Claude Cheviller n’ont pas souhaité s’exprimer.
Les productions à l’antenne
- Animaux à adopter (depuis 2018 sur C8, qui vient de le renouveler pour une 7e saison)
- Tattoo cover (TFX depuis 2018)
- Un épisode de Meurtres à… (France 3) via la filiale de fiction
- En bonne compagnie (émission hebdomadaire sur les animaux présentée par Sophie Davant le samedi sur France 3 depuis janvier 2024)
- Bienvenue au camping (diffusé sur TF1 entre 2014 et 2017, puis sur C8 à l’été 2023 et 2024)
- Quelle année (prime time animé par Christophe Dechavanne le 1er janvier 2024 sur France 2)
- Résilients et Mehdi Djaadi le choix de la liberté (documentaires pour Canal+)
- Familles monoparentales : leur combat au quotidien (documentaire sur C8)
- 3 documentaires sur le patrimoine pour C8
NB : ni Christophe Dechavanne ni Coyote ne sont associés à la production de Quelle époque !