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Continuer la lectureLa Ville de Paris attaquée pour avoir autorisé un hôtel de stars à Montmartre
Pour plusieurs associations locales, l’Hôtel Particulier Montmartre n’a pas respecté ses obligations de financement de logements sociaux en compensation de sa création.

Brad Pitt ou encore Eva Longoria y ont séjourné… On y a aussi aperçu Vanessa Paradis ou la mannequin italienne Chiara Ferragni. Niché au sommet de la butte, dans le passage classé de la Sorcière reliant la rue Junot à la rue Lepic, l’Hôtel Particulier Montmartre est un cocon confidentiel - il compte seulement 5 suites ! - particulièrement prisé de la jet-set. Les grandes marques raffolent également de ce petit écrin perdu au milieu de la verdure qui dispose aussi d’un bar et d’un restaurant. Longchamps, Cartier, Lancel, Chloé… rares sont les enseignes de luxe a ne pas avoir privatisé l’endroit ces dernières années. Un haut lieu festif, bien connu du tout Paris, dont l’exploitation est aujourd’hui attaquée…
D’après nos informations, cet ancien hôtel particulier, racheté en 2007 par la famille Comtet, est menacé par un recours (lancé par l’association de défense de Montmartre, France Nature Environnement Paris et plusieurs riverains) auprès du tribunal administratif visant à faire abroger l’autorisation de changement d’usage que lui a accordé la Ville pour exercer son activité. L’action en justice, portée par le cabinet d’avocats Pwinica & Moliné, conteste précisément une décision de la Ville de Paris, en date du 21 novembre 2015. Celle-ci avait délivré cette autorisation, sous réserve que la société Fremosc (propriétaire de l’hôtel) finance, au titre de la compensation, la construction de 348 mètres carrés de logements sociaux au 7 rue Caplat dans le 18e arrondissement… dans un délai de deux ans. Un timing qui n’a jamais été tenu, selon les plaignants. Si leur recours aboutissait, c’est l’existence même de l’hôtel qui pourrait être remise en cause. À tout le moins, il devrait verser de lourdes indemnités.
Contactée, la mairie de Paris reconnaît auprès de l’Informé que les logements n’ont pas été achevés dans le temps imparti et que l’autorisation administrative accordée n’est, à date, toujours pas définitive. Pour sa défense, la Ville souligne toutefois que la période de deux ans fixée par la décision était « prorogeable », ce qui est « fréquent en matière de compensation de logements sociaux. » En l’espèce, « le programme a nécessité la réalisation d’études plus fines qui ont mis en avant la nécessité de réduire la surface de l’un des appartements du programme. De ce fait, la superficie totale n’était plus suffisante pour la compensation souhaitée, justifie-t-on auprès des services d’Anne Hidalgo. Un appartement supplémentaire de 50 mètres carrés a donc dû être intégré sur une autre opération du 18e, au 6bis-8 passage Ramey. » L’entourage de la maire ajoute « qu’un agent assermenté a constaté la finalisation de l’opération du 7 rue Caplat le 13 mars 2023 et que l’autorisation sera désormais délivrée lorsque l’opération du passage Ramey sera finalisée. » Soit tout de même près de 10 ans après la première décision de la Ville...
L’hôtel cumule les contentieux
Mais si cette affaire irrite autant la butte Montmartre, c’est aussi parce que l’hôtel fait l’objet d’une kyrielle d’autres contentieux depuis des années. « L’établissement entretient une relation conflictuelle avec les riverains et plusieurs associations de défense de l’environnement », pointe Emmanuel Daoud, avocat du cabinet Vigo. En 2023, la société Fremosc avait ainsi déclenché l’ire des soutiens du Club Lepic Abbesses Pétanque (CLAP) en décrochant la concession du terrain communal que l’association de boulistes occupait depuis 50 ans… Une attribution obtenue au terme d’une procédure largement contestée par des associations et élus locaux. Quatre recours séparés ont depuis été déposés (par le CLAP, le collectif de riverains Junot Lepic, ainsi que par les élus Émile Meunier et Pierre-Yves Bournazel) auprès du tribunal administratif pour contester sur le fonds la convention accordée par la Ville à l’Hôtel Particulier Montmartre. Ils dénoncent un projet imprécis qui laisserait, selon les plaignants, une trop grande largesse à l’hôtel de luxe pour exploiter le terrain qui appartient au site classé « Maquis de Montmartre. » Selon nos informations, les premières décisions sont attendues début 2025.

Mais les litiges avec l’ancien boulodrome du CLAP ne se sont pas arrêtés là. Dans une lettre adressée en fin d’année à la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, Yves Contassot, président de France Nature Environnement Paris, demande encore expressément d’annuler la démolition d’une dalle, entreprise par l’établissement sur le fameux terrain classé : « une destruction, qui a certes reçu un avis favorable de la commission départementale des sites, mais qui risque de modifier le sol et plus encore le sous-sol compte tenu des anciennes carrières de gypse présentes à cet endroit », explique l’ancien élu de Paris.
Au fil des ans, l’hôtel n’a pas non plus lésiné sur les aménagements pour satisfaire sa clientèle. Au point, là encore, de s’attirer les foudres du voisinage jugeant certaines de ses constructions illégales. « En avril dernier, une plainte auprès du procureur de la République a notamment été déposée pour l’installation d’une véranda, d’une annexe de cuisine et d’une clôture métallique autour du jardin de l’Hôtel, réalisées sans autorisation d’urbanisme, ni même déclaration obligatoire pour un site classé », énumère Emmanuel Daoud, avocat pour le cabinet Vigo.
Pour ne rien arranger, l’établissement de luxe a aussi maille à partir avec ses copropriétaires du passage de la sorcière, tous réunis autour d’une association syndicale libre. Outre une mise en demeure adressée à l’établissement pour nuisances sonores, les riverains se sont récemment opposés à l’installation par la société Fremosc de caméras de vidéosurveillance sur le passage, sans consultation préalable sur les emplacements choisis. La pose des caméras a fait l’objet d’une plainte auprès de la CNIL au motif qu’elles pourraient être susceptibles de filmer les habitants à leur insu. Une lettre du syndic Foncia, a d’ailleurs sommé l’établissement de les retirer. Sans réponse à date.
Contacté sur l’ensemble de ces sujets, l’Hôtel Particulier Montmartre nous a fait savoir ne pas souhaiter faire de commentaires pour le moment.