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Continuer la lectureLe drôle de job de Tiphaine Auzière au sein de la société Arverne
La belle-fille d’Emmanuel Macron a été nommée administratrice indépendante de ce spécialiste de la transition énergétique. Et ce malgré des liens évidents avec l’État qui contrôle en partie le capital de la société ainsi que ses marchés.

François Bayrou, Jean-Louis Borloo… deux figures politiques du Modem et de l’UDI, deux alliés du parti présidentiel Renaissance, apparaissent tout sourire sur le cliché en train d’applaudir à côté de Pierre Brossolet. En ce 19 septembre 2023, le PDG d’Arverne Group, sonne les premiers pas de l’entreprise béarnaise, spécialiste de la transition énergétique, à la Bourse de Paris. Parmi les autres personnalités présentes et captées par les photographes, un autre visage se détache. Il s’agit de celui de Tiphaine Auzière, une des deux filles de Brigitte Macron et belle fille du président de la République. Peu connue à cette époque, elle s’est depuis bâtie une réputation auprès du grand public grâce à ses chroniques dans Touche pas à mon poste, l’émission de Cyril Hanouna dont elle serait la nouvelle compagne selon Paris Match. Ce même jour de 2023, elle devient administratrice indépendante de la société spécialisée dans la transition énergétique (forage et exploitation pour la géothermie et le lithium). Un siège qui lui a valu une rémunération de 62 000 euros pour l’année 2024.
Cette nomination pose question à plusieurs titres. En effet, le règlement intérieur d’Arverne prévoit que les administrateurs indépendants « n’entretiennent aucune relation financière, contractuelle, familiale ou de proximité significative avec la société, son groupe ou sa direction, susceptible de compromettre l’exercice de leur liberté de jugement. »
C’est le rôle central de l’État chez Averne qui pose ici problème. Il est directement actionnaire de la société, à hauteur de 9,3 %, via l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), établissement public à caractère industriel et commercial dont le président est nommé par l’Élysée. Il est aussi indirectement actionnaire de la structure via Renault, qui détient 8,25 % d’Averne, et dont le premier actionnaire est l’Agence des participations de l’État (APE).
Or Tiphaine Auzière est évidemment liée à l’État, déjà par le mariage de sa mère avec le président de la République. Mais elle entretient même des liens économiques avec le locataire de l’Élysée. Elle détient en effet 1 % des parts d’une toute nouvelle société immobilière, la SCI Bremselati - créée en février dernier - dont sont également actionnaires Emmanuel Macron (3 %), sa mère Brigitte (94 %), son frère ainsi que sa sœur.
Les liens entre Arverne et l’État sont d’autant plus évidents que dans le cadre de ses activités d’exploitation des sous-sols, la société dépend directement de la puissance publique, seule à même de lui délivrer ou de prolonger des permis exclusifs de recherche (PER). Plusieurs sont d’ailleurs en cours de renouvellement. Au total, la société a bénéficié de neuf autorisations dont sept pour son activité géothermie (Pau-Tarbes, Strasbourg, Riom-Clermont-Métropole…) et deux pour le lithium. Quatre sont en cours d’instruction. Le groupe précise que tous les permis et concessions sont délivrés par le ministre de l’industrie et de l’énergie, chargé des mines, Marc Ferracci.
Le quadragénaire connaît très bien Tiphaine Auzière : il a été témoin de mariage d’Emmanuel Macron qu’il accompagne depuis la campagne présidentielle de 2017 au sein d’En Marche. Il a été nommé à ce ministère en septembre 2024 dans le gouvernement Barnier et maintenu dans ses fonctions par François Bayrou. Il s’est même rendu en janvier dernier sur un des sites d’Arverne pour en vanter les mérites. « À Roissy-Charles de Gaulle, une installation de géothermie profonde est en cours de construction par le Groupe Arverne pour le Groupe ADP, a-t-il écrit sur LinkedIn. Ce projet innovant, porté par le second aéroport d’Europe, illustre une démarche stratégique pour conjuguer performance énergétique et durabilité. »
Pour Kévin Gernier, responsable de plaidoyer chez Transparency International France, une organisation de lutte contre la corruption des gouvernements, cela « pose question et mériterait un examen plus approfondi auprès d’un déontologue du gouvernement. Mais malheureusement, ce poste n’existe pas. »
Le manque d’expérience de Tiphaine Auzière pour le poste qu’elle occupe étonne aussi les observateurs. L’avocate spécialisée en droit social n’a aucune compétence dans les domaines de l’énergie ou de la transition énergétique, comme le reconnaît Arverne dans son rapport annuel. Et c’est aussi sa première expérience dans ce type de poste, obtenu après avoir décroché un diplôme de l’Institut français des administrateurs (IFA). Cela ne l’a pas empêchée d’être nommée administratrice - qui plus est référente - avec des missions et des prérogatives plus importantes que les autres. Selon le règlement intérieur, une de ses tâches est même de « veiller à l’absence et/ou à la gestion des conflits d’intérêts »... Pour ce travail supplémentaire, l’heureuse élue est rémunérée chaque année 5 000 euros de plus que les autres administrateurs.
Interrogé, un porte-parole de la société indique que « le conseil d’administration du groupe se distingue par la richesse et la complémentarité des profils qui le composent. Cette diversité d’expertises constitue un atout stratégique majeur pour piloter la croissance de l’entreprise. Mme Tiphaine Auzière, nommée en septembre 2023, contribue activement aux travaux du Conseil, en apportant son expertise en matière juridique, de gouvernance et d’enjeux sociaux et environnementaux (ESG). »
Contactée, l’avocate a expliqué « être alignée » avec la réponse d’Arverne qui ajoute que sa nomination « respecte les critères d’indépendance du Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées AFEP-MEDEF ».