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Continuer la lectureQuand Bercy découvre les dérives conspirationnistes d’une inspectrice générale des finances
Ex-directrice de cabinet de Jean-Louis Borloo, Hélène Pelosse dénonce les rituels sataniques et la prise de contrôle des esprits par l’état profond tout en auditant les finances publiques.

La surprise a été totale pour certains représentants de l’Inspection générale des finances, la structure chargée des missions d’audit et d’évaluation les plus sensibles de l’État. Réunis pour un déjeuner de réseautage mi-janvier, au dernier étage de la tour Suez à la Défense, ces membres d’un des corps* d’État les plus prestigieux, créé en 1797 et dont a fait partie Emmanuel Macron à sa sortie de l’ENA, ont découvert la face cachée de l’une des leurs. Lors d’un tour de table où chacun était invité à raconter ses aventures professionnelles, une des rares représentantes de la gent féminine a exprimé des points de vue pour le moins iconoclastes. « Carrément complotistes en fait ! Elle a raconté que le FBI avait pris possession de son cerveau à distance ! », s’exclame un participant les yeux encore écarquillés. La prise de contrôle des esprits par l'« Etat profond » (deep state) est un des thèmes favoris des conspirationnistes, souvent proches de l’extrême droite. Sous le coup de la surprise, aucune convive n’a réagi aux déclarations de leur collègue.
En trente ans d’exercice, cette étonnante fonctionnaire peut se targuer d’une solide carrière. Ex-directrice adjointe de cabinet de Jean-Louis Borloo lorsqu’il était ministre de l’Écologie, de 2007 à 2009, puis directrice de l’Agence internationale des énergies renouvelables, l’IRENA, à sa création, Hélène Pelosse poursuit depuis son parcours à Bercy. Un choix plutôt rare au sein de ce corps d’État dont la plupart des membres s’orientent dans le privé, le tiers restant se consacrant à des postes prestigieux dans le public. Alors certes, l’inspectrice, elle, n’a pas dirigé la Caisse des dépôts et consignations, comme Olivier Sichel (également présent au fameux déjeuner), ou piloté le cabinet du Premier ministre Michel Barnier, comme Emmanuel Moulin (un autre participant aux festivités). Mais elle a bien failli, encore récemment, prendre un poste des plus stratégiques à Bercy.
Le 28 juin dernier, Hélène Pelosse a en effet été nommée médiatrice des ministères de l’économie. Une fonction qui consiste à gérer un service indépendant, installé à Caen, doté d’une vingtaine d’agents, qui traitent les quelque 6 000 litiges annuels des personnes physiques et morales avec l’administration des finances publiques. Elle devait y succéder à Christophe Baulinet, déontologue de Bercy - et accessoirement diacre au sein de l’église catholique - mis en cause pour sa gestion des ressources humaines, et à qui l’administration aurait suggéré de quitter sa fonction. C’est encore ses équipes, de Normandie, qui ont alerté l’administration après la désignation d’Hélène Pelosse, en pleine élection législative. « C’était surréaliste ! Après un curé, on avait une illuminée à un poste hyperexposé ! » témoigne un agent. Une semaine plus tard, le 4 juillet, le décret nommant la haute fonctionnaire était mystérieusement abrogé… Et Christophe Baulinet remis en selle provisoirement. Un autre candidat a depuis hérité du poste. Et Christophe Baulinet n’est plus déontologue, du moins plus à Bercy : il a été transféré à la direction interministérielle à la transformation publique, une structure de moins de 100 personnes - contre 134 000 au ministère de l’économie....

Avant ce fameux déjeuner de janvier, en tant que catholique pratiquante elle aussi, Hélène Pelosse avait dénoncé auprès de l’Église catholique mais aussi dans un film intitulé « Les Survivantes » de Pierre Barnérias des rites sataniques dont elle dit avoir été victime. En juillet dernier, lors d’une soirée organisée pour la présentation du documentaire, elle y a décrit d’autres phénomènes dont certains thèmes récurrents chez les complotistes associant le président Emmanuel Macron, la pyramide du Louvre et des rituels sataniques concernant des enfants… Dans une interview vidéo publiée par « Géopolitique profonde », elle raconte avoir été contrainte, petite, de ramasser des corps d’enfants découpés et avoir subi des tortures, lors de séquences de messes noires mettant en cause pêle-mêle des prélats de l’Église catholique, son grand-père, la franc-maçonnerie. « Les enfants sont égorgés, on recueille leur sang dans un calice, il faut boire le sang de l’enfant et manger sa chair », précise-t-elle dans l’émission. Et parmi ses faits d’armes, entre deux missions d’inspection, on compte aussi l’écriture d’un « Mémorandum sur les armes psychotroniques, les techniques de contrôle de l’esprit humain, et les tortures à distance » publié sur le site morpheus.fr.
À Bercy, personne ne semblait au courant des prises de position originales de la quinquagénaire avant le coup de fil de l’Informé. « Elle est à temps complet, elle rend des missions de qualité, simplement elle a une santé un peu fragile », expliquait une représentante de l’Inspection générale des finances, avant de juger « tout ceci très triste » une fois le pot aux roses découvert. Selon un autre collègue, le code de déontologie de l’Inspection générale des finances révisé en 2024 n’est pas particulièrement malmené par les sorties complotistes de la fonctionnaire. En revanche, pour une branche de l’administration qui se veut « exemplaire en matière déontologique » si l’on en croit son dernier rapport annuel, les prises de position de l’inspectrice ne semblent pas très compatibles avec le devoir de réserve qui demande aux fonctionnaires de « faire preuve de réserve et de retenue dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles ». Contactés par l’Informé, Hélène Pelosse et Christophe Baulinet n’ont pas répondu à nos sollicitations.
* Le corps de l’Inspection des finances a été mis en extinction dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur de 2021