L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureFibre optique : SFR et Bouygues Telecom réclament des centaines de millions à Orange
Les deux opérateurs cherchent à obtenir le remboursement de l’installation des prises de fibres optiques lorsqu’un abonné les quitte. Le gendarme des télécoms leur demande de s’entendre.

La fibre optique n’aura jamais autant été un sujet de conflit dans les télécoms. La prise d‘accès à Internet très haut débit présente dans 24,4 millions de foyers (sous la forme d’un petit boîtier blanc accroché au mur) est au centre d’un conflit de taille. Bouygues Telecom et SFR réclament au total plus de 330 millions d’euros à Orange sur l’installation de cet équipement, a appris l’Informé. L’objet du litige porte sur un ancien contrat signé avec l’opérateur historique. Il prévoit qu’Orange gère le réseau Internet très haut débit jusqu’au pied des immeubles, tandis que ses concurrents s’occupent de tirer la fibre sur les derniers mètres jusqu’au client final. Lors de l’installation de la prise dans la maison ou l’appartement de l’abonné, SFR et Bouygues prennent donc à leur charge le coût de ce raccordement. Ce coût est ensuite amorti sur vingt ans. Mais si l’abonné résilie son forfait avant (en raison d’un déménagement ou d’un changement de fournisseur), alors tous deux peuvent demander à Orange de leur restituer une partie des frais d’installation. Sauf que ce paiement n’intervient qu’au moment où un nouvel abonné reprend cette même ligne. Et c’est là toute l’affaire.
D’abord, le montant versé diminue avec le temps qui passe. Ensuite, un certain nombre de lignes ne sont jamais réactivées en raison d’une « magouille » pratiquée par les sous-traitants rémunérés pour installer les prises. Ces derniers touchent en effet plus d’argent s’ils installent un nouveau boîtier (130 euros dans ce cas), que s’ils se contentent de changer la ligne en la raccordant au boîtier existant (20 euros alors). Certains installateurs simulent donc la pose d’une seconde prise et prennent une photo comme preuve à adresser à leur donneur d’ordre. Résultat : deux lignes sont enregistrées chez les opérateurs pour un même abonné. Ce tour de passe-passe créé des doublons et a même été filmé dans un reportage d’Envoyé spécial de France 2 du 22 septembre 2022, intitulé « Fibre optique : friture sur la ligne ».
Pour remédier à ce problème, Bouygues Telecom a donc demandé à être remboursé dès qu’un abonné le quitte. Le gendarme des télécoms, l’Arcep, a donné raison à la filiale du groupe de BTP, mais en demandant aux parties de s’entendre sur une nouvelle formule de calcul à appliquer pour déterminer le montant dû par Orange. Ce dernier a contesté cette décision et vient de perdre son appel en mars. Pour lui, si certaines lignes ne sont jamais reprises, c’est en raison de la « fraude volontaire et généralisée des sous-traitants », indique-t-il aux juges. Certes, le nombre de cas semble important, mais personne n’est capable d’en mesurer l’ampleur et tous se rejettent la faute. Le juge a tranché et a considéré que l’apparition de ces doublons était due « à l’inefficacité collective des acteurs », alors que les moyens « pour la juguler ne manquaient pas ». Le tribunal a également validé la décision de créer un nouveau mode calcul pour payer SFR et Bouygues Telecom, charge à eux de s’entendre avec Orange sur une formule.
Avant même ce résultat, la filiale du groupe de BTP a fait tout seul ses comptes et a saisi le tribunal de commerce de Paris réclamant 152 millions d’euros à l’opérateur historique selon nos informations. De son côté, SFR demande 180 millions d’euros d’arriérés. Enfin, Free a pris une autre décision. Selon nos informations, il vient de signer un nouveau contrat dans lequel une formule de calcul a été négociée avec Orange qui s’applique dès à présent et solde le passé. Interrogés sur cette prise… de bec, Orange, Free, SFR et Bouygues Telecom n’ont pas souhaité faire de commentaire.