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Continuer la lectureValorisation, pertes… les vrais chiffres de Brut
L’Informé dévoile les pertes importantes de la plateforme de vidéos en ligne et le prix payé par le groupe CMA CGM de Rodolphe Saadé pour entrer à son capital.

C’est juré. Le service de vidéo en ligne Brut atteindra enfin l’équilibre cette année assure son directeur général et cofondateur, Guillaume Lacroix, interviewé dans le Figaro. Après huit ans d’existence, il y est même déjà parvenu au dernier trimestre 2023, promis. Pourtant, selon les chiffres consultés par l’Informé, le média était encore loin du compte sur l’ensemble de l’année dernière : sa maison mère a enregistré une perte nette de près de 15 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 42,9 millions d’euros (55 millions d’euros en incluant les filiales). Un déficit dû en grande partie à la fermeture de Brut X. Lancé en avril 2021, ce service payant de vidéo à la demande n’a jamais décollé, et ses coûts d’achat de droits, de marketing et de développements technologiques ont lourdement pesé sur les résultats financiers de la start-up.
Ces résultats encore peu folichons n’ont toutefois pas dissuadé un nouvel investisseur de mettre — beaucoup — au pot : Rodolphe Saadé. Selon nos informations, son groupe CMA CGM a pris 16 % du capital en 2023 pour près de 43 millions d’euros, valorisant ainsi Brut à plus de 268 millions d’euros, contre 189 millions d’euros lors de la levée de fonds précédente en 2021. En pratique, l’armateur marseillais a essentiellement acquis des actions nouvellement émises, apportant ainsi de l’argent frais à la start-up. Mais il a également racheté quelques titres aux fonds entrés en 2018 et 2019. Ces années-là, 40 millions d’euros avaient été levés auprès de Xavier Niel, Bpifrance, Red River West (famille Pinault), Blisce (Alexandre Mars), Cassius Family (Emmanuel Seugé) et Next World Capital.
Au total, l’entreprise cofondée par Renaud le Van Kim, Guillaume Lacroix et Laurent Lucas, aura ainsi réussi à lever plus de 140 millions d’euros depuis ces débuts, comptant aussi parmi ses actionnaires Tikehau Capital, James Murdoch (via son fonds Lupa Systems) ou encore Orange Ventures et l’américain MoonPay (services financiers).
Il faut dire que les audiences de Brut sont alléchantes : la plateforme vient d’être classée numéro un des médias d’information les plus suivis sur les réseaux sociaux dans l’étude 2024 du Digital News Report de Reuters. Elle devance même Le Monde, Mediapart et BFM. Mais si la croissance est là - le chiffre d’affaires de la maison mère a été multiplié par 3,4 depuis 2020 -, le modèle économique a mis du temps à se trouver. Il repose sur deux piliers. D’une part, la publicité : il s’agit de trouver des annonceurs prêts à diffuser leurs spots au début de ses vidéos. Pour cela, la start-up a signé un partenariat avec France Télévisions Publicité devenue sa régie en 2017 pour l’ensemble des séquences reprises par les sites ou les chaînes du groupe. De l’autre, le brand content, ces contenus financés par des marques : ces vidéos sponsorisées représentent près de 60 % de son chiffre d’affaires. « Ils sont très agressifs commercialement sur le marché en ce moment, note un concurrent. Ils cherchent à faire rentrer des contrats à tout prix. »
La plateforme a aussi cherché à diversifier ses sources de revenus. Elle a essayé de nouer des partenariats notamment avec Carrefour pour lancer une offre de téléachat sur le Net. Mais comme l’a révélé l’Informé, l’initiative Brut Shop s’est terminée l’année dernière en raison de difficultés rencontrées au sein de la société commune.
Elle a aussi choisi de s’internationaliser en ouvrant des bureaux aux États-Unis, en Inde ou encore en Afrique. Mais en 2022, la société a finalement annoncé supprimer des postes afin de diminuer ses pertes. L’antenne de New York (dotée d’une soixantaine de personnes) et celle de Mexico ont même dû être fermées. Les effectifs, de plus de 350 salariés en 2022, sont tombés à environ 250 collaborateurs, dont 200 dans l’Hexagone.
Brut et les joies du festival de Cannes
En mai dernier, la plateforme a revendiqué 2 milliards de vidéos vues, portée par le Festival de Cannes, dont elle est le diffuseur officiel depuis 2022 en tandem avec France Télévisions. Ce contrat (qui s’élevait à 2 millions d’euros par an) étant arrivé à expiration, le duo est actuellement en négociations exclusives avec les équipes cannoises pour le renouveler. Il se murmure toutefois sur la Croisette que Canal+, qui diffusait l’événement jusqu’en 2022, aimerait bien le récupérer…