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Continuer la lectureÀ son tour, le fisc vient sanctionner Hervé Legros, le patron d’Alila
Déjà cerné par les affaires, le PDG et fondateur du groupe de construction lyonnais est aussi dans le collimateur de Bercy.

Hervé Legros est un homme au calendrier judiciaire des plus chargés. En janvier, le PDG et fondateur du groupe lyonnais Alila, spécialisé dans le logement social, était visé par une information judiciaire pour « harcèlement moral » et « abus de biens sociaux » : au moins 16 plaintes ont été déposées par d’anciens salariés dénonçant les méthodes brutales du promoteur, ses humiliations publiques, ses sollicitations incessantes et ses licenciements abusifs. En février, le conseil des prud’hommes de Lyon l’a condamné à verser près de 45 000 euros à un ancien employé pour « harcèlement moral », « licenciement nul » et « rappels de salaires », décision de laquelle il fait appel. Il s’est aussi lancé dans une croisade contre nos confrères de Médiacités, portant plainte en diffamation contre trois articles publiés dans le journal d’investigation. L’Informé dévoile aujourd’hui un nouveau chapitre de cet épais dossier judiciaire : la cour d’appel vient de valider un redressement fiscal de près d’un million d’euros à son encontre.
La success story d’Hervé Legros commence en 2004, lorsqu’il fonde le promoteur immobilier HPL Promotion, l’ancêtre d’Alila. Très vite, il se spécialise dans la vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), qui permet aux bailleurs sociaux ou aux collectivités d’acquérir des logements sociaux en bloc, en cours de construction, plutôt que de se lancer eux-mêmes dans une maîtrise d’ouvrage directe. Un marché qu’il défriche et qui se révèle particulièrement dynamique, porté par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) de 2000 qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants un quota de 20 % de logements sociaux. La société connaît une croissance exponentielle et affiche en 2021 le 12e chiffre d’affaires le plus important du secteur, 733 millions d’euros. Elle possède désormais douze agences réparties dans neuf régions. Bien établie, elle est aujourd’hui l’un des sponsors de l’OL, tandis que son PDG est actionnaire du club de basket de l’Asvel depuis 2016. En plus d’Alila, Hervé Legros a créé deux sociétés holding : Alila Participation en 2009 et HPL Groupe en 2012. Deux stuctures au cœur de l’affaire portée devant les juridictions administratives.
En 2014, Hervé Legros transfère plus de 172 000 actions, d’une valeur de près de 14 millions d’euros, d’Alila Participation vers HPL Groupe. En échange, HPL Groupe apporte 12 680 000 actions, qui valent chacune un euro, à Alila Participation. Au cours de cette opération, le PDG empoche, à titre personnel, une soulte – une somme d’argent qui vient compenser un échange de lots de valeurs différentes – d’1,26 million d’euros. Sur ce petit pactole, Hervé Legros demande un report d’imposition : concrètement, cela permet de ne pas payer d’impôts sur la plus-value réalisée, jusqu’à ce que les titres reçus dans le cadre de la transaction soient cédés. Ce qui, dans la plupart des cas, n’arrive jamais, et permet de reporter l’imposition ad vitam aeternam.
Seulement voilà, l’administration fiscale a remis en cause ce report d’imposition en 2016, considérant que la soulte ne répondait à aucun impératif économique pour HPL Groupe et avait uniquement pour but que son propriétaire perçoive des liquidités sans payer d’impôts. L’homme d’affaires a donc saisi le tribunal administratif de Paris pour contester la décision du fisc, inacceptable pour maître Berdugo, qui le représentait. « C’est scandaleux. Le report d’imposition sur les soultes est mis en place depuis des années, et jamais il n’a été question de justifier d’un impératif économique. Les textes étaient clairs et ne spécifiaient pas de conditions particulières, à part celle des 10 %. » Pourtant, le livre des procédures fiscales précise qu’une déclaration peut faire l’objet d’un redressement, si elle présente un caractère fictif ou qu’elle vise à diminuer les impôts qu’aurait dû payer le contribuable, au vu de sa situation et de ses activités réelles. Le 26 avril 2023, le tribunal a donc rejeté la demande d’Hervé Legros, considérant que la soulte présentait un caractère artificiel, et qu’elle était, par conséquent, soumise à imposition.
Le PDG a fait appel de la décision et a changé d’avocat – ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Devant la cour administrative de Paris, Hervé Legros a mis en avant les « conséquences graves et immédiates sur sa situation » qu’aurait le recouvrement des impositions, « en le contraignant, notamment, à vendre sa résidence principale », sans plus de précisions concernant son manoir à Ecully, près duquel il a construit une résidence pour son personnel de maison et une villa. Il a également avancé que les difficultés de son groupe de promotion immobilière ne lui permettaient pas de régler ses dettes fiscales. Mais la cour d’appel n’a pas été convaincue, expliquant que le businessman n’apportait « aucune précision sur le montant de ses revenus, alors qu’il ressort du dossier qu’au titre de la seule année 2014, en litige, ses revenus déclarés s’établissaient, avant rectification, à plus de 858 000 euros ». Des revenus suffisamment importants pour qu’il s’acquitte de sa dette fiscale.
Mais Hervé Legros n’en a pas fini avec la justice : il a engagé une procédure contre l’avocat responsable des insuffisances constatées dans ses déclarations. Un litige qui vient s’ajouter à la longue liste des contentieux impliquant l’homme d’affaires.