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Continuer la lectureLe média Blast épinglé pour contrefaçon de droits d’auteur
La webtélé de Denis Robert était mise en cause par les concepteurs de marionnettes utilisées pour lancer les Marioles, une émission satirique inspirée des Guignols de l’info.

C’est un vent de défaite pour le média Blast, le souffle de l’info. Le 11 septembre, le juge des référés a donné raison à un couple de marionnettistes qui attaquait la webtélé pour contrefaçon de droits d’auteur. Ils reprochaient au média d’avoir utilisé, dans des sketchs mis en ligne ainsi que sur des produits dérivés, leurs marionnettes d’Emmanuel Macron, de Sandrine Rousseau et de Vincent Bolloré… sans en détenir les droits d’auteur. Le site d’information a été condamné à verser 29 000 euros aux deux fabricants et à supprimer pendant 180 jours les 14 vidéos incriminées.
Cette décision survient après plus d’un an de conflit, comme nous vous l’avons raconté précédemment. Blast et les marionnettistes s’étaient rapprochés en juillet 2022 pour développer les « Marioles », une émission satirique inspirée des Guignols de l’info. De décembre 2022 à avril 2023, une série de sketchs mettant en scène trois marionnettes était diffusée pour accompagner une campagne de crowdfunding destinée à financer le projet. Mais le programme a capoté et, avec lui, les relations entre Blast et les marionnettistes. Le 10 novembre 2023, ces derniers ont assigné le média devant le tribunal judiciaire en référé. Une médiation a été ordonnée, sans que les parties ne parviennent à trouver un terrain d’entente. Ils en sont donc arrivés au juge.
Devant le tribunal judiciaire de Paris, le couple réclamait 243 129,20 euros au total, notamment pour contrefaçon de droit d’auteur mais aussi violation de droit à l’image pour une vidéo de présentation et plusieurs photographies dans lesquelles ils apparaissent. Ils souhaitaient également que soient supprimés les sketchs avec leurs marionnettes et que Blast cesse de distribuer des tee-shirts et affiches à leur effigie. De son côté, le média en ligne sollicitait le paiement de 293 293,20 euros de dommages et intérêts pour la perte de ses investissements dans le projet, la désorganisation interne de l’entreprise et le préjudice d’image qu’ils imputent aux deux artistes.
Face au juge, Blast a contesté toute atteinte aux droits d’auteur et fait valoir qu’un « contrat de cession implicite » aurait été conclu en juillet 2022 : les deux créateurs auraient donné leur accord pour que leurs marionnettes soient utilisées gratuitement, à condition qu’ils soient associés au projet. « Dans ces échanges, Blast mentionne seulement vouloir l’exclusivité des droits sur les marionnettes, sans proposer de contrepartie ou aborder aucun des éléments contenus dans un contrat de cession de droit d’auteur », nous affirme Me Julien Riant, avocat des marionnettistes. Selon Denis Robert, fondateur et directeur de la rédaction, son média a bien tenté de trouver un terrain d’entente mais s’en est vu empêché par le couple : « Nous voulions un contrat, plusieurs mails et échanges le montrent. Les marionnettistes ont beaucoup tergiversé, retardant toujours l’échéance, augmentant leurs prétentions et mettant in fine en danger le projet, assure le journaliste à l’Informé. Nous leur avons bien adressé un projet de contrat par l’intermédiaire de notre conseil et nous n’avons cessé de les relancer pour avoir leur retour. Sans succès. »
Autre argument avancé par la webtélé : la demande du couple ne serait pas recevable parce qu’elle ne met pas en cause Bruno Gaccio, l’un des coauteurs historiques des Guignols, qui a travaillé sur l’écriture des Marioles et qui aurait aussi participé à la création des poupées : « Bruno Gaccio était un peu le maître d’œuvre des Marioles, avec Yves Le Rolland pour la réalisation, précise Denis Robert. Les marionnettistes ont fabriqué deux marionnettes [de Sandrine Rousseau et de Vincent Bolloré] sur nos indications, comme le montrent nos échanges et les témoignages des auteurs des sketches et du réalisateur. » Dans une attestation de Bruno Gaccio, fournie dans le cadre de la procédure, l’auteur a assuré être passé par l’intermédiaire d’Yves Le Rolland pour transmettre ses demandes de modification des traits des pantins. « Pourtant, au moment de la conception de ces deux marionnettes, Yves Le Rolland n’avait pas encore rejoint le projet des Marioles, encore moins échangé avec les marionnettistes, réfute Me Riant auprès de l’Informé. Il ne pouvait donc pas servir d’intermédiaire entre Bruno Gaccio et mes clients. »
Le juge des référés a finalement tranché en faveur du couple. Selon lui, rien ne prouve que Bruno Gaccio était coauteur des marionnettes. Surtout, s’il a relevé qu’un accord de principe avait été convenu en juillet 2022, il a rappelé que la cession des droits d’auteur devait impérativement s’effectuer par écrit et être délimitée - notamment en termes de supports, de lieu et de durée. Comme aucun accord en bonne et due forme n’a été conclu, le couple reste propriétaire des droits sur ses créations.
Le magistrat a également rejeté la demande de dommages et intérêts de Blast : étant donné qu’aucun contrat n’a été conclu, impossible de considérer que les marionnettistes ont manqué à leurs engagements. Le média a cependant obtenu gain de cause en ce qui concerne l’atteinte au droit à l’image : le président du tribunal judiciaire a estimé qu’en posant pour une photographie et en participant à une vidéo de présentation de leur travail, les marionnettistes avaient tacitement accepté que leur image soit diffusée. « Je déplore cette situation, qui nous a beaucoup affectés à Blast et qui est un échec pour nous », indique Denis Robert. Interrogé sur sa volonté de faire appel ou non de la décision, il précise qu’« aucune décision n’a encore été prise ».